Lorsque la petite Parker déplore non pas la mort du gorille qu'elle avait vu jouer juste avant à quelques centimètres d'elle avec ses enfants, mais la douleur qu'a pu en ressentir Tarzan, on a droit à ce qui me semble être quand même un peu LE dialogue qui tue :
M. Parker [voulant rassurer sa fille] : « Oh, my dear, he's not like us... »
Mlle. Parker [indignée] : « He's white ! »
Fichtre que c'est croustillant, ça vaut tout l'or du monde. (Prend ça Rosa Parks.)

Tout allait à peu près bien, jusqu'à ce qu'il tue un gros chat. Y'a rien à faire, direct je me braque. Mais le bougre ne s'arrête pas là, le v'là qui en tue un deuxième, encore plus mignon, et un troisième, avec une énorme touffe de fourrure au cou qui ne devait faire naître d'autre instinct que celui d'un sain gratouillis à l'endroit sus-nommé, de manière à ce qu'il tende la tête docilement, exposant plus de surface encore à gratouiller. Et non, l'animal tue deux peluches géantes d'affilée.

Et il les tue avec une balle dans le corps, notons bien. À ce propos, quelqu'un a-t-il la moindre idée d'où elle a bien pu passer ? Ce n'est qu'une des relativement nombreuses incohérences plus ou moins impardonnables (celle-ci est tout particulièrement dure à encaisser sans sourciller) qui jalonnent le film. Ici se placent la moitié des dialogues de la petite Maureen capable d'avoir tour à tour des expressions délicieuses et sensuelles puis de reprendre son visage naturel, très porcin. Tarzan qui n'aurait jamais vu de larme (sous quel prétexte ? Ah, oui, la vie dans la jungle, ce doit être d'un tel confort et d'une telle aisance, le garçon n'aura jamais versé la moindre petite goutte d'eau salée) ou jamais vu de fille (alors qu'il y a une tribu qui vit au même niveau que lui. Ah, non, j'oubliais : they're NOT white), ou qui désormais « belongs to » Jane (la modestie avant tout). Et celle qui me paraît être la plus choquante (à tel point que je l'attribue à une incompréhension de ma part, j'espère que vous me détromperez gentiment) : ils se rendent dans un cimetière d'éléphants [que nous verrons une dizaine de secondes, afin que la douce invite son ex-prétendant à revenir le profaner allègrement et à souhait à l'avenir, sous leur protection]. Des éléphants doivent se rendre dans ce cimetière. CQFD. Maintenant, problématique : est-ce que les éléphants s'y rendent par le sentier escarpé durant lequel ils ont perdu un homme et bien failli perdre la fille avec ses encordés (hein ? Encorder les porteurs ? Mais, attendez, they're NOT white ! »), où sont-ils simplement stupides, et plutôt que de suivre la route gentiment tracée par une bande d'éléphants mourants (autant dire que ça doit pas être trop la guigne) ont-ils préféré de risquer tous ensemble leur vie dans l'escalade d'une falaise monstrueuse, risquant la vie des uns et des autres ? Allez, une dernière incohérence dure à avaler, pour la route : autochtones qui voient cette falaise (dont j'ai mangé le nom pourtant dur à avaler) sont immédiatement punis de mort par leurs sorciers. Dites-moi, quel prétexte pourrait bien pousser toute la petite bande de porteurs à braver la mort ET leurs croyances ? Le fouet, réellement ?

Puis bon, l'être lubrique que je suis ne se satisfera pas d'une seule malheureuse scène érotique (aussi délicieuse soit-elle : ce plan cadré juste de façon à montrer tout le plongeant du décolleté de sa tenue), toute esseulée au début, même pour 1932. Pas quand on lui vend à chaque nouvelle critique l'érotisme monstrueux de la chose, ce qui, tout le monde le sait, est bien l'argument (avec Gibbons) ayant réussi à m'attirer dans un film qui m'a toujours inspiré la plus grande appréhension. Et ce ne sont pas les quelques rares moments où l'on voit à grand peine poindre le bout de ses seins sous son chemisier tendu qui vont satisfaire les instincts que j'ai très bas.

Parce que Tarzan, s'il fait peut-être plaisir à certain(e)s, je dois avouer qu'il m'indiffère royalement. Si l'on excepte bien entendu la façon qu'il a de rétablir une certaine idée de la condition féminine et des égards qui lui sont dus (Prend ça Judith Butler !), principalement dans ses voies d'acheminement, ainsi que ça a été souligné par un éminent confrère.
Que je prierai au passage de tâcher, ainsi qu'il est d'usage, de renouveler ses invectives à mon égard après lecture du présent papier, en espérant qu'il ait toujours le cœur de m'en offrir une ou deux, sinon je finirai par être vraiment inquiet et me dire que je l'ai vexé.
Non, j'y croyais un peu moi, je sais bien que le film d'aventure je dois y aller avec des pincettes (cf le Curtiz mentionné ci-dessous), mais que voulez-vous, j'étais tellement ragaillardi par le franc succès de Princess Bride !

Même du côté du pendant au sexe, la violence, je dois dire qu'on reste monstrueusement sur sa faim. Je revois certaines scènes de l'Ennemi public, de Wellman, sorti avant qui plus est, et me dit que ça au moins c'était quelque chose. Le père peut bien s'envoler un paquet de fois avant qu'on arrive au quart de l'effet produit par l'image du mec laissé mort devant la porte de son frère, un peu comme un gamin qui met le feu à un journal sur une m**** et sonne à la porte.

Et Gibbons dont nous parlions, à l'évidence il faudra attendre encore quelques années pour qu'il nous montre de quoi il est capable, le technicolor aussi peut-être, ici rien de remarquable.

On notera avec un déplaisir manifeste une certaine parenté avec l'Ô combien plus décevant encore Aigle des mers, notamment dans cette prédominance d'effets spéciaux confinant au plus grand mauvais goût, et dont l'histoire nous interdit malheureusement d'entretenir l'illusion que le code Hays aurait pu par la suite censurer quelque chose de réellement immoral, offensant, propre à engendrer son lot de dégénérés.

J'ai bien cru à un slasher avant l'heure, quand Tarzan commence à noyer un esclave (je ne sais toujours pas ce qu'il a fait pour le mériter d'ailleurs, mais passons) pour venger son singe. Là on se dit : « chouette, un peu de violence tiens, les plans sur les petits d'hippopotames et de chimpanzés ça va bien cinq minutes, mais je commençais à m'endormir un peu ». Mais bon, pas fichu de faire le boulot correctement (voilà une chose qu'il ne sait pas faire), il se fait repérer au bout du deuxième esclave assassiné (ce n'est pas grave allons, ça ne justifie pas qu'on tire sur une boule de fourrure : rappelez-vous Jane, et sachez bien que « he's NOT white ! »), et la traque prend le chemin inverse. Tss tss tss, très décevant.

Quant à la course-poursuite Cheeta/lion, on ne pourra que déplorer que Bazin n'ait pas sorti son article « montage interdit » avant, ainsi on aurait peut-être pu éviter ce si fastidieux exercice de montage qui n'a quatre-vingt quinze pour cents du temps pas la moindre crédibilité et fait souvent insulte au spectateur plus qu'autre chose. La course-poursuite Tarzan-crocodiles est un peu plus satisfaisante de ce côté-ci, même si bien sûr ça fleure bon la maquette et qu'on ne s'y laisse pas tromper une seconde, enfin il faudrait voir à pas être trop tatillon avec un film de 32 quand même. Mais c'était pas compliqué, même un seul plan montrant le lion et le singe en même temps, avec une vieille carne de cirque apprivoisée pour doubler le lion au besoin, mais au moins bannir ce plan où l'on voit le lion marcher tranquillement en commençant à s'arrêter avant de passer au plan du singe tout affolé.

J'imagine que pour arriver à mes fins il ne me reste plus qu'à troquer ma veste rouge contre un slip-haillon. Mesdemoiselles, attention.


(En vrai, ça ne mérite pas vraiment son 5 hein, parce que le film tire quand même son petit lot de choses sympathiques et l'on ne s'ennuie jamais trop longtemps, mais bon, fallait bien quelqu'un pour mettre une critique négative, quitte à faire preuve d'un brin de mauvaise foi).
Adobtard
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le 21 mai 2013

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Adobtard

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