Attention spoilers
Chose plutôt rare, et probablement révélatrice que Taxi Driver est un grand film, le long-métrage me « travaillait » encore plusieurs jours après son visionnage. En fait, j'ai très vite fait un lien avec d'autres œuvres sorties a posteriori et qui ont été plus ou moins influencées par le film dont il est question ici : Watchmen et Fight Club principalement… des œuvres parfois (souvent) appréciés par des incels qui apprécient premier degré les personnages détestables qu'on leur présente. Ces mêmes personnages adeptes des longs monologues intérieurs, emprunts de nihilisme ou encore enclins à la violence.
Pourtant, en plus de chercher une personnalité et d'être complétement déconnecté de la réalité (au point d'emmener sa conquête regarder un film pornographique), Travis est plus pathétique qu'autre chose. Il passe son temps au cinéma porno parce qu'il n'arrive pas à dormir, il tente d'une manière fort déplorable de faire croire à Betsy qu'il possède une certaine culture, même l'idée d'acheter des armes ne provient pas de lui mais d'un client… le pire étant cette scène, juste après avoir sauvé Iris, dans laquelle il tente de se tirer une balle dans la tête, avant de se rendre compte que les chargeurs sont vides : une scène dans laquelle il fait plus pitié qu'autre chose. Même la caméra a pitié de lui par moment, en « regardant » autre part, lors de cette scène où Travis tente de s'excuser auprès de Betsy au téléphone. Travis est, d'une certaine manière, à l'image de cette paire grolles qui apparaissent sur la piste de danse au moment où il regarde la télévision : seul et ignoré.
Enfin, ayant fait la guerre du Viêt Nam[1], et semblant cacher un TSPT, difficile de s'attacher à lui autrement que comme on s'attache à un malade, à un mourant (en plus, lui aussi a son lot de médocs posés juste à côté de lui sur sa table de chevet)… bref, vraiment difficile de le prendre comme un modèle donc.
La fin a beaucoup fait parler d'elle, certains la voyant comme une bonne fin, d'autres comme une fin « fantasmée » par Travis. Personnellement, je la vois comme une fin profondément pessimiste, révélatrice du fait que le personnage principal n'ait pas progressé durant l'aventure : qu'il boucle en quelque sorte. J'y vois aussi un lien entre les États-Unis, qu'on présente encore comme le gentil sauveur, un modèle, et Travis, qu'on présente de la même manière à la fin du long-métrage, alors que ses intentions étaient loin d'être nobles : deux dérangés placés sur un piédestal en somme. En regardant le film avec mon œil de 2023, c'est aussi le cas de la ville, New York, ville, là encore, fantasmée par beaucoup, mais pourtant incroyablement sale et dangereuse dès l'instant où la caméra pénètre à l'intérieur de ladite ville.
La scène d'action finale a un peu mal vieilli, sans être non plus irregardable, loin de là. Le fait d'avoir opté pour des couleurs désaturées, principalement afin d'éviter que le film soit censuré, y joue un peu, surtout qu'on a eu le droit à bien pire niveau violence depuis (on a aussi droit à une scène porno censurée au début du film)… mais excepté cette scène, je trouve que le film a très bien vieilli, y compris au niveau de la colorimétrie. Bon en même temps, c'est Martin Scorsese qui a réalisé le film, je ne me faisais pas trop de doutes à ce sujet avant de visionner le film : il sait choisir ses plans, les rendre iconiques, et surtout, on reconnaît son style. Bon après, même s'il se débrouille, il est un poil moins marquant en tant qu'acteur.
Un chef-d'œuvre qui mérite son statut de film culte à n'en point douter.
[1]Ce qui a été confirmé par Scorsese durant une interview. J'avais un doute concernant le fait que ce soit un mensonge afin que Travis puisse se « créer » un personnage, comme c'est le cas avec la lettre mensongère qu'il envoie à ses parents.