Je ne dormais plus depuis des mois de toute façons.
Depuis que je suis rentré, impossible de fermer l'oeil.
Je restais allongé sur mon plumard, les yeux rivés sur la fissure naissante du plafond de ma chambre.
Je ressassais. Je triais mes souvenirs. Je m'enfermais dans ma tête et je jetais la clé.
Mes nuits semblaient interminables.
Je commençais à me disputer tout seul, à ne plus être d'accord avec moi-même. Il fallait que je fasse quelque chose, que j'évite de rester seul.
Un boulot. Un rythme, une raison.
Une autre aliénation ...mais rémunérée celle-là.
Alors maintenant je tourne.
Dans mon taxi, je tourne en rond, je tourne comme une putain de bête qui attend l'heure du repas.
Je travaille de nuit. Je rôde.
J'aime la nuit, son odeur, sa lumière.
Je regarde.
Je peux voir, je peux tout voir sans être vu.
Je tourne autour de cette grosse pomme, cette pomme pourrie, dégueulasse, cette pomme vérolée.
Vérolée comme ces filles qui traînent les rues, qui traversent devant mon taxi comme des fantômes, traînant leurs ombres comme des boulets dans la nuit New-Yorkaise.
C'est un autre monde dès que le soleil disparaît, mangé par les buildings, avalé par le bitume.
Les égouts ouvrent leurs portes noires et vomissent la pourriture, la lie de l'humanité.
Partout la racaille. Des putes, des macs, des dealers, des égorgeurs.... Partout la merde.
Je les vois de mon taxi.
Je les repère. Je les piste.
Je me prépare, moi.
Personne ne fait rien.
On laisse la pourriture envahir nos rues, noircir nos murs et polluer l'air.
La police ? La même chose. Main dans la main avec les crasseux, les clodos, ça boit à la même bouteille tout ça.
Il n'y a plus personne, plus rien pour enrayer le mal.
Pas même ce sénateur Palantine !! Qu'est ce qu'il y connaît à la nuit, à la fange celui-là ?!
Elle croyait quoi Betsy ?! Qu'il nous sauverait ? Qu'il la sauverait ? BETSY... Betsy...Pff...Betsy !
J'ai besoin de personne.
Palantine, Betsy ? Au feu !
Ils n'ont pas voulu de moi, je ne veux plus d'eux. Je ne les sauverai pas quand viendra le grand jour. Le jour de la purification.
L'apocalypse.
Il est temps de nettoyer, de purifier nos rues, d'aérer un grand coup.
Je m'entraîne tout les jours, tout les matins, tout les après-midi, dès que je peux, sans répit.
Je deviens dératiseur.
Mon argent, tout mon argent passe dans mon nouveau métier, ma nouvelle passion.
J'achète des pièges pour les attraper.
Des raticides de fer et de feu pour les exterminer. De beaux joujous froids et brillants qui crachent le feu, des désodorisants métalliques pulvérisant les flammes de l'enfer, et qui purifieront cet air suffoquant d'ici peu.
Et si je ne peux pas sauver le monde, si mon Dieu m'abandonne aux chacals, je la sauverai elle : Iris.
Mon ange, mon petit ange gardien tombé du ciel, en plein dans la gadoue New-Yorkaise.
Je te le rendrai ton paradis Iris, tu verras. Je te sortirai de ces ténèbres où tu es prisonnière.
Je le détruirai de mes mains ton "Sport", ce Cerbère cocaïnomane qui garde la petite porte de ton enfer.
Tu verras, je te prendrai avec moi.
Je te sortirai de là. C'est ton destin, Iris.
C'est notre destin.
Ca y est... Je suis prêt... Attends-moi Iris...
J'arrive...