Ce portrait croisé de trois détenus ramenés, le temps d’une permission de deux jours, à la vie civile fait le choix judicieux de filmer les corps au plus près de leurs expressions, de leurs cicatrices pour compenser les non-dits et les silences qui sinon entourent leur retour. La présence de motifs, qu’il s’agisse de la table autour de laquelle se réunit la famille temporairement réunie, du lit où l’intimé des amants s’esquisse, de l’opposition entre l’extérieur et l’intérieur, interroge la pertinence des rituels dans la structuration de nos existences : à la façon de Jean-Luc Lagarce, Ève Duchemin révèle la violence des protocoles qui, rassurants lorsque tout va bien, broient l’individu en le raccordant encore et encore à l’événement unique qui détermine depuis l’entièreté de son passé. Ce dernier se dévoile par petites touches, à la manière d’un peintre dont les impressions se retranscrivent par coups de pinceau successifs : il apparaît dès le départ comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus des personnages, menaçant à chaque instant de leur transpercer l’âme, que désamorcent les tentatives de vivre le temps présent – pensons à la volonté exprimée par Hamousin de quitter le bus de ligne pour poursuivre son voyage à pied, le long de la forêt. Le paradoxe tient alors à ce que l’échec de toute réinsertion au sein de la famille découle des efforts entrepris par de chacun de ses membres pour la rendre possible : qu’il s’agisse de l’épouse, de la sœur ou de la mère, tripartition hautement symbolique, les trois hommes disposent d’une figure tutélaire au contact de laquelle ils éprouveront réconfort, détresse et solitude. C’est cette thématique de la réintégration périlleuse qu’investit courageusement un film interprété à la perfection, sujet rare qui en justifie à lui seul le visionnage.

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le 9 sept. 2024

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