Montez la tempurature
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Alors si je m'y attendais !
Pour exécuter ce merveilleux récit de 2h13 Akiko Ohku opte pour la base de travail relativement convenue qui est le romcom façon bluette qui ne paye pas forcément de mine pendant 38 minutes, nous sommes en terrain connu (un terrain débroussaillé au moins 50 fois par an au japon à travers tous les dramas, mangas, jv...etc) avec cette jeune trentenaire un peu excentrique qui se parle à elle même, enfin à son expression subjective qu'elle a nommé "A", travailleuse plutôt stable accompagnée de sa collègue de travail un peu plus superficielle et expressive; histoire d'amour à ses balbutiements et la vision d'une Italie romantique qui plane sur le récit : Yep c'est enjoué, sucré, expressif, insolite et pourtant...
Dès les premières minutes ce qui frappe c'est la mise en scène de la réalisatrice adoptant une caméra très libre, aérienne, à fleur de peau de Mitsuko, une façon de prolonger la personnalité de la jeune femme par le biais d'un objectif qui se positionnerait comme une entité ayant sa propre enveloppe et son propre regard : un peu comme le petit démon sympa qui te donne des conseils assis sur ton épaule.
Le procédé est très ludique et permet toute sorte de fantaisie notamment dans les nombreux monologues de Mitsuko filmés très souvent au plus près de son visage (les gros plans sont nombreux). "A" est un coach de vie, conseiller du rangement et une sorte de psychologue auto-persuasif lors de choix qui peuvent bouleverser les principes qu'elle s'est fixés : une célibataire endurcie qui pratique des activités de célibataires ou s'essaye aussi en solo à des activités de couple comme bouffer dans un restaurant de yakiniku (cuisson de viande sur une plaque électrique).
Et pourtant c'est un merveilleux film qui aborde le thème de la solitude sur lequel est brodé un portrait de femme complexe habité par de l'anxiété sociale, des problèmes de connexions avec l'autre et surtout des crises d'angoisses douloureuses que la réalisatrice rend très palpable par son choix d'un cadrage très intime. La première scène qui m'a frappé et qui m'a convaincu que Akiko Ohku était une réalisatrice maligne et talentueuse, utilisant savamment une base prétexte pour développer son étude de caractère c'est le retour à la routine de Mitsuko après son premier diner aux chandelles : le changement d'atmosphère est dingue, nous sommes toujours dans le même lieu mais celui-ci semble grand et vide, la caméra ne pouvant que revenir à des mouvements "ritualisés" , les premiers qui nous permettaient d'avoir un point de vue sur l'ensemble de sa pièce à vivre.
C'est incroyable le peu de difficulté avec laquelle la réalisatrice est capable de faire basculer son film de la comédie potache à une face beaucoup plus sombre lorsque Mitsuko quitte sa zone de confort, laissant "A" à la maison pour être confrontée à ses profondes angoisses. Il y a beaucoup de sous entendu notamment lors de la scène au spa où une partie de son passé est mis en lumière, toute la séquence est révélatrice d'une condition féminine où le harcèlement est banalisé et où la seule protection qui leur est offerte est le silence, la sagesse de prendre sur soi et ne pas faire d'esclandre. Toute cette partie est parfaite dans sa construction, son évolution, son sous texte, les réactions à l'agression et l'immobilisme face à celle-ci. Nous sommes mais alors tellement loin d'un portrait toxique, acerbe où tout n'est que noir et blanc, on a une vraie femme dans ce film, forte mais aussi très fragile, attachante et légèrement inquiétante à mesure que le film progresse, assumant sa bizarrerie, ne calomniant jamais les solitaires ou les excentriques mais raconte simplement la difficulté à renouer des liens avec l'autre (par amour surtout) lorsque l'introversion a été le moteur de notre existence; fabuleux.
Au point où j'en suis j'aimerais en dire d'avantage sur cette incroyable séquence en avion, le voyage en Italie sous forme de carte postale qui permet de traiter le sentiment de solitude sous un angle différent mais tout aussi perspicace, la toute fin à l'hôtel ...etc mais je vous laisse la joie de découvrir tout ça par vous même.
Juste je rajouterais que la narration visuelle est très pertinente à chaque fois et c'est fou de se dire que le film n'est jamais aussi juste (une personne qui ne se reconnaît pas au moins dans une situation n'existe pas) que lorsque la réalisatrice transforme certaines scènes en joli feu d'artifice surréaliste : A Gentle Breeze in the village n'est jamais bien loin dans ces moments là tout comme les bruitages diégétiques qui sont aussi marrants que dans Keep Your Hands off Eizouken!!
Magnifique début d'année, je n'en demandais même pas tant.
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Créée
le 14 janv. 2022
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30 j'aime
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