Le jeu de la mort
Il fut une époque où Roberta Findlay était une sorte de prêtresse du cinéma underground, spécialisée dans les films d'exploitation et de sexploitation. Considérée aujourd'hui comme l'une des...
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le 5 nov. 2023
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Tenement aussi appelé Game Of Survival est une petite bande horrifique indépendante tellement crapoteuse qu'elle semble tout droit sortir d'un carton moisi croupissant dans les sous sol d'un cinéma grindhouse des années 70. Le film de Roberta Findlay reste d'ailleurs l'un des rares films a avoir été classé X par la censure américaine du fait de sa seule violence ce qui rend très fière sa réalisatrice. Et il faut bien reconnaître que même près de quarante ans après sa sortie le film reste aussi brutal que perturbant voir même choquant lors de certains passages. Un petit film qui transpire la misère et la violence comme visiblement la jeunesse de sa réalisatrice qui dit s'être inspirée de sa propre enfance dans le Bronx pour retranscrire l'ambiance particulièrement glauque du film.
Game Of Survival c'est l'histoire d'un gang de voyous violents et drogués qui squattent le sous sol insalubre d'un immeuble délabré du Bronx. A la suite d'une dénonciation par le concierge de l'immeuble, la bande est arrêtée par la police à la plus grande joie des habitants qui se réjouissent un peu trop vite de leur départ. La bande est en effet très vite relâchée fautes de preuves et elle décide de revenir se venger en exterminant un à un tous les locataires de l'immeuble. Comme Charles Bronson est occupé sur un autre projet, les locataires se retrouvent seuls face à cette bande avide de violence, de vengeance et de sexe...
L'une des plus grande force du film est incontestablement son ambiance qui transpire la précarité, la violence et l'abandon par tous les pores de sa pellicule. Le film tourné dans un véritable immeuble en cours de réhabilitation, avec quelques vrais gangsters en guise de comédiens et sous la protection de la police respire l'authenticité un peu rance de l'insécurité ordinaire. Insalubrité, couloirs décrépis, murs tagués, escaliers inquiétants et omniprésence de rats, quartier aux allures de bidonville l'immeuble n'est pas exactement l'archétype de celui qu'on recherche sur Airbnb pour passer un séjour à New-York. L'ambiance un peu crasseuse du film est renforcée par une mise en scène brut de décoffrage et une image bien granuleuse et poisseuse juste comme il faut. Le film souffre tout de même de nombreux petits soucis techniques avec des micros ou des techniciens qui apparaissent souvent dans le champ. La réalisatrice Roberta Findlay n'est d'ailleurs pas tendre avec ses techniciens qui selon elle ne pensent qu'à bouffer et faire leur quota d'heures, racontant même qu'un assistant cameraman constamment bourré s'était pisser dessus lors du tournage. En tout cas le film possède l'emballage qui va parfaitement avec son contexte. Cette histoire de home invasion à l'échelle de tout un immeuble avec une lente et meurtrière progression étage par étage s'avère être un expérience assez étouffante et parfois très éprouvante. Si la violence prend parfois les allures exagérées d'un simple divertissement horrifique, elle est aussi et le plus souvent âpre, radicale et très désagréable comme lors d'une scène de viol particulièrement perverse et inconfortable pour le spectateur. De toute évidence Roberta Findlay rentre dans le lard de son sujet sans la moindre once de délicatesse pour les palais délicats.
Pourtant si Game Of Survival n'était qu'un étalage complaisant et continu de sévices et de violence le film tournerait vite court. Game Of Survival va s'attacher aussi à décrire l'impromptu solidarité des habitants de cette immeuble bien, peu enclin à devenir des héros et des combattants. Fragiles, paumés, précaires et déclassés vont s'unir pour défendre leur pitoyable mais cher petit espace vital face à la vermine qui gangrène leur territoire. Entre une vielle dame seul, un couple âgé, une fille qui se prostitue pour que son petit ami se paye ses doses de drogue, un aveugle et son chien, une femme enceinte, un gardien alcoolo, raciste pleutre et cradingue, deux trois gosses et un ouvrier afro-américain on est loin d'avoir des personnages qui possèdent l'étoffe des héros et des allures de sept mercenaires pour défendre leur peau. Même si les personnages sont parfois un peu caricaturaux et pas toujours très subtilement interprétés , Roberta Findlay parvient à les rendre super attachants et terriblement humains en opposition avec la vague aveugle de violence qui s’abat sur eux. On se prend donc de compassion pour ces petites gens éternelles victimes de la violence et de la précarité et l'on souhaite de tout cœur les voir s'en sortir. Le film n'est pas toujours d'une grande limpidité dans sa déroulement avec des personnages qui semblent parfois disparaître complètement puis revenir à l'écran et une progression de la menace qui malheureusement ne s'accompagne pas vraiment d'une tension qui va crescendo. Peu importe on reste tout de même bien scotché à cet intrigue qui aussi linéaire soit elle captive de bout en bout jusqu'à un final qui prouve de Roberta Findlay est loin d'être un manche en matière de mise en scène. Une fin et un affrontement sur un toit et sous la pluie avec des éclairs qui viennent teintés l'image d'un bleu profond sur une musique obsédante aux accents rock digne des Goblins, je n'irai pas jusqu'à évoquer Dario Argento, mais franchement c'est du beau boulot.
Game Of Survival n'est donc pas qu'une simple pelloche un peu crapoteuse dont la violence serait le seul atout. Le film, certes à réservé à un public averti, mérite aussi le coup d’œil pour ses personnages attachants de laissés-pour-compte devant se débrouiller seuls ou solidaires face à tout ce que la vie leur aura foutu dans la gueule de précarité, de violence et d'abandon. Et puis pour ne rien gâcher le film reste traversé de quelques petites fulgurances de cinoche, ce qui est loin d'être désagréable.
PS / Merci à Candygirl_ pour cette chouette découverte.
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Créée
le 11 janv. 2024
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