La critique qui se barre en courant et vous laisse en plan.
"Tête de turc" a le mérite au premier abord de soulever un certain nombre de problèmes récurrents, de questions sociales et intérieures qui se posent aux français à la couleur de peau un peu plus foncée que les autres : le problème autour de la médaille, le contrôle au faciès, le discours républicain, le chantage aux papiers de séjour, au passe-droit social, le mépris violent de l'environnement amplifié par l'imposture de cette tête de turc qui dit la vérité. On a même le droit à une petite remarque assassine et passagère sur le conflit historique entre arménien et turc, bien que dans l'ensemble le ton soit à la fraternisation entre les différentes ethnies (sans toutefois proposer une vision multiculturaliste, ce qui est chose rare, je trouve - salutaire ?). Cela fait beaucoup de choses pour un film et d'un Pascal Elbé dont je n'attendais rien de précis, un film qui fait un peu plus que la moyenne, que n'importe quel film sur des jeunes de banlieues, montrés comme des sous-prolétaires de la fin XIXème.
Sur la forme, le jeu est plutôt homogène, la réalisation pas grand chose à redire.
Mais alors, sur le traitement des questions sociétales, ouille ouille ouille.
Ce n'est pas non plus la catastrophe mais, disons que j'ai été fortement gêné par la caricature des rôles principaux, excepté bien entendu la dualité du jeune turc, théâtre résiduel de son conflit intérieur. Cette mère turque qui se crève le cul pour des clopinettes, le rôle est bien joué mais sa psychologie est sans nature particulière, voire c'est une femme qui se fout de ta gueule tellement elle respire la bonté et la bonne éducation. Que dire des frangins arméniens ? L'un, médecin, plutôt dans la prévention et la tolérance donne le contre-point d'équilibre à un flic forcément dans un ton réactionnaire et dans la répression (d'ailleurs c'est lui qui pissera le sang de ses symptômes). Elbé fait ici du pied clairement à une certaine idée de la sociale-démocratie (vous savez bien, la sociale-démocratie... ! Celle qui dit que des policiers, il en faut. Celle qui fait autant pour la défiance collective que les politiciens les plus rétrogrades et réactionnaires. LA sociale-démocratie. Voilà. Comme dirait mon GPS : vous êtes arrivé).
Et pourtant ! Finalement, le film me laisse le goût du dépit - non de la situation morale mais - autour du traitement d'un sujet intéressant. On assiste impuissant à une normalité assise, entre deux points de vue opposés, sans vraiment de débat à la clé... ou même une interrogation en suspens - le pire encore étant cette fin achevée et ficelée pour une réalité dont il n'en est rien.
Alors, comme dirait Lénine : Que faire ?
Comment diable traiter la question de la relégation permanente d'une classe laborieuse sur une autre, soit disant mieux intégrée ? Comment aborder la question d'une citoyenneté à deux vitesses ? Comment traiter la question du racisme d'Etat au cinéma ? Pourquoi le médecin a-t-il les portraits de Marx et de Engels dans son salon ?
Déjà, la première question à se poser, c'est : le cinéma est-il approprié pour aborder ces questions ?
Vous le saurez après une courte page de pub !