Lame damnée .
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A mesure que se construit la cinéphile, les moments de pur étonnement se raréfient. Alors qu’on pense avoir à peu près tout vu, il arrive pourtant encore que certaines claques inattendues fassent frémir la rétine, et bouleversent des repères qu’on pensait à peu près établis en termes de langage cinématographique.
The Blade, réalisé par Tsui Hark en 1995, s’impose ainsi avec une insolence assez déconcertante. Il faut en effet s’accrocher ou, au choix, abandonner toute idée préconçue pour entrer dans cet univers ahurissant. Car avant que de pouvoir apprécier ce qu’on est venu y chercher (à savoir un film d’arts martiaux et de sabre), il convient d’intégrer un monde pour le moins singulier, où la majeure partie des règles d’écriture semblent tout simplement abolies. Menée à un train d’enfer, l’intrigue et la présentation des protagonistes est saturée d’ellipses, de transitions brutales qui nous font passer d’un lieu ou d’une séquence à l’autre sans qu’on ait pu réellement ingérer les enjeux de ce qui précédait. Tout semble filmé à vitesse rapide, y compris les scènes de dialogues où l’hystérie, les hurlements et les gestes brutaux constituent la norme. Le jeu est outré, les méchants sortent la langue, les filles écarquillent leurs yeux, les héros plissent les leurs. Et il y a aussi un petit chaton blanc, peut-être en hommage au combat final de La Fureur du Dragon.
Alors qu’on peut s’inquiéter de ne strictement rien comprendre à l’intrigue, la phase de décantation (qui ne se fera pas par une baisse de rythme pour autant) dessinent des enjeux qui finalement ne sont que la justification à la véritable sève du film, à savoir les affrontements. Les décors eux-mêmes sont totalement asservis à cette finalité : un sol jonché de pièges en mâchoires métalliques, un improbable amoncellement de bambous qu’on va renverser par centaines, la boue, les cordages, des maisons qu’on incendie, des murailles que la caméra franchit avec une fluidité qui épouse parfaitement les corps en mouvement continu.
La confusion est fréquente, tant le réalisateur semble s’affranchir de la syntaxe cinématographique, dans un télescopage par instant à la limite du lisible. Mais progressivement, la connexion s’établit, et la symphonie frénétique s’impose. En osmose, le travail sur la lumière (qui change en permanence de couleur et là aussi, élude toute contrainte rationnelle) génère de splendides tableaux comme autant d’écrins pour les combats, tandis que le son d’orfèvre intensifie la rythmique infernale des cris, des lames, des bois tranchés ou de l’impact des coups.
Tsui Hark, tout sauf un manchot, parvient ainsi à construire le chaos, élaborer une confusion dans laquelle le spectateur se dissout pour mieux percevoir le talent de ceux qui l’orchestrent : la caméra part dans toutes les directions, fait littéralement des galipettes avec les comédiens, enivre et gifle jusqu’à la suffocation la plus jubilatoire.
Parvenus à ce stade, il n’est plus vraiment temps de s’indigner sur le kitsch et les approximations d’écriture : l’ivresse a gagné le regard, et la bienveillance l’emporte. Pour prévenir de toute gueule de bois, la modération s’impose probablement face à une telle production, mais en attendant, savourons les vertiges qu’elle aura su provoquer.
(7.5/10)
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le 26 juin 2020
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