Ce n’est pas un hasard si c’est le dernier film d’Isabel Coixet, The Bookshop, qui est venu clore le 28ème festival du cinéma espagnol à Nantes. Isabel Coixet est une figure majeure du cinéma espagnol, et ce depuis plusieurs années, avec des films chaleureusement accueillis par le monde du cinéma comme Ma Vie sans moi, La Carte des sons de Tokyo ou encore Personne n’attend la nuit. C’est grâce à un cinéma de l’émotion et du détail qu’Isabel Coixet parvient si justement à adapter des œuvres littéraires au cinéma, et The Bookshop ne fait pas exception. The Bookshop, adaptation du roman de Penelope Fitzgerald, retrace le combat de Florence Green (interprétée par Emily Mortimer) pour ouvrir une librairie dans une petite ville anglaise de bord de mer. L’initiative inoffensive et pleine d’entrain de notre héroïne se voit freinée par toute une série de réactions hostiles qui permettent à la réalisatrice de peindre avec précision ce que peut être l’obscurantisme et l’acharnement qui caractérisent parfois l’être humain.


L’humain et ses émotions sont en effet au cœur de ce film, si bien que, chaque personnage peut être décrit par un unique trait de caractère. Pour Florence Green, ce serait le courage ; le courage de réaliser son rêve, le courage d’aller contre l’opinion majoritaire et le courage de se battre jusqu’au bout, même lorsque le combat semble perdu d’avance. Pour Mme Gamart ce serait la sournoiserie, une sournoiserie si persistante à faire échouer le projet de Florence Green avec l’aide de l’hypocrisie de Milo North. Ce traitement des personnages renvoie sans cesse le spectateur vers les origines littéraires de l’œuvre. L’univers clôt de la petite ville de Hardborough et ses habitants stéréotypés nous rappellent Yonville, où tous les personnages de Balzac sont caractérisés par leur nom ou leur métier et où Emma Bovary étouffe de ne pouvoir vivre sa vie comme dans les livres. Les seuls personnages apportant leur aide à Florence Green sont une petite fille, Christine, et Edmund Brundish, un misanthrope qui passe ses journées à lire. S’ils ne sont que deux, ces personnages incarnent respectivement l’innocence et la sagesse et donnent alors d’autant plus de légitimité au projet de l’héroïne.


Ce n’est pas seulement le traitement de l’histoire et le combat de l’héroïne qui font signe vers la littérature ; la lecture semble être l’objet même du film. La lecture apparaît comme une arme contre l’obscurantisme et la bêtise. Le cinéma d’Isabel Coixet est également un cinéma de l’engagement, et dans le cas de The Bookshop, de l’engagement du côté de la lecture. Si les livres isolent le temps de la lecture, ils unissent davantage les personnages, comme le montre très bien le personnage d’Edmund Brundish (incarné par Bill Nighy) qui sort de son manoir et va jusqu’à parler à Violet Gamart, qu’il déteste par-dessus tout, pour aider Florence Green. Dans The Bookshop, les livres créent des rencontres, comme c’est le cas pour Florence Green et son défunt mari, et les rencontres créent des envies de lecture comme la jeune Christine qui affirme au début du film ne pas aimer lire. L’héroïne perd peut-être la bataille de la librairie, mais elle gagne très certainement la guerre du courage, de l’amitié sincère et du renouveau.


Je recommande donc le dernier film d’Isabel Coixet à tous les passionnés de lecture, mais surtout à tous les passionnés de cinéma.

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le 26 mai 2018

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