Pourquoi est-ce qu’on vous regarderait l’œil ? Qu’est-ce qu’il a, hein ?!

La Vie devant ses yeux et The Broken, même combat ! Ou comment tourner un court et le faire passer pour un long en resservant au spectateur une dizaine de fois les mêmes séquences, au plan près.
Une différence majeure, cependant : à la barre du second, ni plus ni moins que Sean Ellis, le cinéaste derrière l'incroyable Cashback (2007) !

C'était donc peu de dire que The Broken était attendu tant Cashback était une claque, Ellis imposant dans chacun de ses plans sa riche expérience de photographe d'art qui lui donne un sens du visuel difficilement égalable. De ce côté là, son nouveau film ne déçoit pas : effets de surcadrage oppressants, panoramiques inquiétants, photographie soignée, sens de l'esthétique délectable. Ellis arrive même à rendre Londres vu du ciel totalement différent de ce dont on a l'habitude, et l'on avait plus vu cela depuis 28 jours plus tard (2003) de Danny Boyle.

Sa mise en scène ne se contente pas d'être élégante, Ellis arrive à créer par son seul talent une atmosphère crépusculaire que beaucoup, dont Alexandre Aja et son Mirrors (2008), devrait lui envier. Nul besoin de scènes d'horreur (même si celle de la douche aura de quoi faire frémir certains d'entre nous) pour susciter l'épouvante et provoquer des pics d'angoisse, chez Sean Ellis la forme a toujours un rapport avec les ressorts psychologiques de ses personnages, ce qui en des temps de surenchère du gore est admirable et mérite d'être souligné.

Ce qui va justifier la mauvaise note que je vais mettre se trouve plutôt du côté du scénario : le film est certes beau, visuellement impeccable, mais cela n'en demeure pas moins un film, et qui dit film dit histoire à raconter. Vous allez rire (quoique moi pas trop du coup) mais de vous dire qu'il est question de reflets belliqueux sortant des miroirs suite au décès accidentel d'un confrère, les doubles supprimant les originaux afin de prendre leur place, c'est vous avoir résumé (spoilé ?) l'ensemble du film. Il suffira pour le jeune réalisateur de recracher toutes les 15 minutes les mêmes séquences, les mêmes plans, les mêmes panoramiques, les mêmes flashbacks pour faire tenir son métrage sur la longueur. La surprise finale n'en étant même pas une, on rappelera que la poétique n'est rien sans la poésie, et que les alexandrins ont beau rimer avec élégance, un vers creux n'a que trop peu d'éclat pour briller à nos yeux.

Notons toutefois pour terminer sur une note postive que pour son premier grand rôle au cinéma, Lena Headey, l'ex-femme du roi Leonidas dans 300 (2007) s'en sort avec les honneurs, sa composition étant plus que convaincante. Même constat pour Richard Jenkins, père de famille à la fois sombre et modèle.

En espérant beaucoup mieux la prochaine fois de la part de Sean Ellis, qui semble plus doué dans le maniement de la caméra que celui de la plume !

En bref : Sean Ellis n'a pas son pareil pour donner un grain pictural à ses films. Plastiquement irréprochable, The Broken arrive à inquiéter par sa seule mise en scène, véritable tour de force de nos jours. S'il peut espérer avec le temps et l'expérience approcher le talent d'un Kubrick réalisant Shining, Ellis devra cependant éviter de construire ses longs de la même manière qu'un court, surtout sur le plan scénaristique. Un joli raté, mais un raté tout de même.
Kelemvor

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