A l'heure où le cinéphile ne cesse de pester contre la privatisation des salles obscures par les adaptations, suites, remakes, séries à rallonge et autres super héros dont on a ras-la-casquette, The Creator aurait, normalement, tout du vent de fraîcheur rassurant, de nature à faire espérer que le cinéma, parfois, peut encore s'aventurer ailleurs.

Cet ailleurs prend le chemin de la science-fiction, avec un Gareth Edwards trop rare que l'on a d'autant plus plaisir à retrouver quand on se souvient de son art déployé sur Monsters, Godzilla et Rogue One.

Des retrouvailles qui, en 2023, s'offrent des airs de célébration d'un genre évoluant dans un univers loin d'être inédit, mais au moins neuf car débarrassé de toute franchise ou propriété intellectuelle immédiatement identifiable. Un univers proche de la science-fiction qu'envisageait Neill Blomkamp avec District 9, Chappie ou Elysium, soit avec du cœur.

L'univers dépeint par la caméra de Gareth Edwards est puissant. Il lui donne l'occasion d'inonder l'écran de superbes compositions et de visions presque surnaturelles dans les combats mis en scène. Car s'il s'agit bien sûr d'investir un énième affrontement entre l'homme et la machine dans un futur désormais proche, les images de The Creator ne cessent de résonner avec notre histoire, nos peurs et notre inconscient : les ruines et la rouille de Ground Zero, l'enfer et la terreur du Vietnam, le recueillement tibétain... Soit deux visions d'un monde au bord de l'abîme, comme il l'était déjà dans Monsters.

Et encore une fois, comme dans Monsters, l'émotion s'installe, dans la quête de la reconstruction intime d'une cellule familiale que l'on devine très rapidement illusoire. Celle d'un père en apprentissage de sa fille, se révélant dans une histoire d'élu(e) dont la nature même changerait l'issue de la guerre.

Dans ce conflit, Edwards nous fait tout simplement oublier que le spectateur a en face de lui des robots et des « simulants », tandis que si le dernier acte de l'oeuvre est bien sûr marqué par le climax habituel, il ne perd jamais de vue son facteur humain.

La réussite « artisanale » de The Creator devrait donc normalement être saluée, tant par la force de ses images que par le fait qu'à l'écran, chaque dollar qui a été investi semble en avoir coûté deux.

Sauf que vous lirez toujours quelques éternels grognons, de ceux qui vous rabâchent comme un vieux monsieur acariâtre placé en ehpad, qui viendront vous asséner que c'est du déjà-vu mieux ailleurs, que le film n'est qu'un melting pot d'influences mal montées et qu'ils n'ont pas été surpris une seule seconde.

Soit les mêmes « cinéphiles » qui ne cessent pourtant de pester contre la privatisation des salles obscures par les adaptations, suites, remakes, séries à rallonge et autres super héros dont on a ras-la-casquette.

De quoi penser parfois que le cinéma n'est pas uniquement en train de crever de la main du vilain Marvel et des studios capitalistes frileux, mais aussi de la posture imbécile de ceux dont on ne pourra finalement jamais satisfaire les attentes.

De tristes figures pour une triste époque.

Behind_the_Mask, robot pour être vrai.

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