"Et vous, vous faites semblant d'être qui ?"
Attention : critique contenant des spoils.
Après un bijou comme The Dark Knight, il fallait relever le défi : action, scénario intelligent, méchant terrible... La scène d'ouverture semble nous ôter toute inquiétude : on y rencontre le méchant du jour, Bane, et on comprend que c'est un dur, un vrai. Et qu'il a préparé quelque chose de pas sympa. De plus, l'enchaînement avec le précédent est idéal.
L'intelligence du scénario est, là aussi, évidente pendant une grande partie du film. Le film est construit sur une trame de plusieurs réflexions fascinantes. La principale, à mes yeux, est le thème du masque. Dans tout le film, l'apparence ne correspond pas à la réalité. Tout porte un masque : les héros, le méchant, mais aussi tous les personnages, et même la ville.
Un masque qui sert à entretenir des mensonges. Ainsi, même mort, Harvey Dent continue à représenter la morale et la justice, et le capitaine Gordon (Gary Oldman) contribue à entretenir ce mensonge grossier. Un mensonge qui en permet un autre, de plus grande envergure : le portrait d'une ville débarrassée du crime, d'une ville moralement irréprochable.
Gotham est même sous le coup d'un double mensonge : Harvey Dent en héros, Batman en criminel. Mensonge qui cache une dangereuse inversion des valeurs. Et qui arrange tout le monde : les habitants préfèrent ce mensonge rassurant à une réalité plus inquiétante. Bane profite de ce mensonge pour peaufiner tranquillement sa stratégie, à l'abri des regards indiscrets. Même Bruce Wayne préfère le mensonge d'une Rachel morte d'amour pour lui, plutôt que la vérité que lui assène son majordome Alfred (Michael Caine : c'est toujours un bonheur de voir cet acteur formidable).
Pour atteindre la vérité, il faut creuser. Aller dans les bas-fonds. Chercher loin. L'image des souterrains est essentielle dans le film. Les sous-sols de Gotham, où se terre Bane. La prison souterraine. La planque de Batman, cachée derrière une cascade.
On assiste souvent aussi à l'image d'une vérité qui monte depuis la terre, tel la combinaison du Dark Knight.
Bane et Wayne. Il n'y a pas que les noms qui se ressemblent. Même mentor, voix grave presque identique, même volonté de se cacher derrière un masque, de dissimuler son identité, même enfance difficile. Deux êtres de l'ombre, qui sortent de l'ombre, qui ont besoin de l'ombre. C'est de l'ombre que surgit le Batman dans sa première apparition du film, coupant les lumières d'un tunnel. C'est dans l'ombre que vit Bane.
Deux hommes de l'ombre, rompus aux mêmes artifices, et possédant les mêmes armes.
Une ombre qui sert, là aussi, à se cacher, à se faire oublier. Mais une ombre qui est bien propice aux desseins terroristes de Bane. Car, que ce soit clair une bonne fois pour toutes, la trilogie de Nolan est une allégorie sur le terrorisme. Prendre des otages, menacer une ville entière, faire éclater toute la structure d'un état, créer l'anarchie pour pouvoir instaurer la loi de la jungle, se présenter comme un libérateur tout en imposant peur et oppression. Diriger par la peur.
Film politique donc. Incontestablement. Surtout que s'y ajoute, en filigrane, une réflexion également sur l'injustice sociale. Pourquoi Selina (très belle Anne Hathaway) est-elle devenue voleuse ? On ne le sait pas exactement, mais elle répète suffisamment qu'elle y a été forcée par sa situation sociale.
Et parmi les différence entre Bane et Wayne, il y en a un qui vient des bas-fonds quand l'autre est né dans le salon d'un splendide manoir.
Hélas, il y a la fin. Et c'est là que sont concentrés les défauts du film. Des défauts qui jettent le discrédit sur l'ensemble.
SPOILS SPOILS SPOILS SPOILS
Voir Batman prendre la bombe pour partir la rejeter dans la mer, au loin, c'est d'un ridicule ! C'est vraiment l'artifice de scénaristes ne sachant pas comment finir leur texte et consultant leur encyclopédie "Scénario pour Les Nuls".
Plus grave : Marion Cotillard. Quelle faute de goût ! Non seulement elle joue mal, mais elle n'est pas crédible un seul instant en méchante issue de la pire prison possible.
Et ce twist final a une autre grave conséquence : reléguer Bane au simple rôle de gorille, d'homme à tout faire. Au début, Bane était vraiment un méchant terrifiant et fascinant. Puis, plus on le voyait, plus on en apprenait sur lui, plus il perdait de sa stature. Mais la révélation de l'identité de Miranda Tate fait passer Bane au rôle de simple employé. Pathétique.
FIN DE SPOILS
Dommage donc que la dernière demi-heure plombe l'ensemble, sinon c'était un sans faute.