The Disappearance of Eleanor Rigby (Him, Her & Them)

Il y a des films comme ça qui vous marque plus que d'autres.
The Disappearence of Eleanor Rigby a eu cet effet là pour moi.

Ma première rencontre avec ce film s'est faite par hasard, au détour d'un article de Dailymars en juin dernier. Dès les premiers mots de celui-ci, ma curiosité était piqué à vif, tant l'idée de voir un film où le sentiment amoureux était enfin racontée sous deux angles différents ("Him" et "Her") me paraissait nécessaire.
Le couple, interprêté par les parfaits Jessica Chastain et James McAvoy, et la vision de la bande-annonce de ce diptyque finissaient d'enfoncer le clou de mon empressement de voir le résultat, malgré un sentiment de confusion sur ce que j'allais réellement y trouver.

Me voici donc à guetter une éventuelle date de sortie au cinéma, croisant surtout les doigts pour que ça ne soit pas le volet "Them" qui soit diffusé en salles; expérience désagréable que j'avais déjà vécu avec Boulevard de la Mort / Planète Terreur, diffusés en France en deux films distincts quand la volonté des réalisateurs était de n'en faire qu'un seul film en deux parties.

Je pars souvent du principe que malgré les qualités et les défauts d'une oeuvre, la vision initiale, celle imaginée en première intention, est celle qui mérite toute notre attention. C'est pour ça que j'aime les Director's Cut et les versions originales des films.

D'annonce en annonce, j'apprends malheureusement que c'est bien la version Them qui est majoritairement diffusée au cinéma (sous la pression ou non de son producteur, Harvey Weinstein — connu pour remonter les films à sa sauce pour le marché international — nous le saurons jamais...), et qu'aucune date française n'est prévue, malgré une diffusion à Cannes en mai dernier.

Puis enfin, le petit miracle : le film sera diffusé dans toutes ses versions sur Netflix, à partir du 1er Novembre, sans passer par la case "chronologie des médias" qui aurait demandée d'attendre 3 ans avant de pouvoir voir cette trilogie qui n'en est pas une.

À la date prévue, les films sont ajoutés au catalogue, je les vois devant moi, et pourtant, j'hésite.
Je ne veux pas les regarder comme ça, pour passer le temps. J'ai envie de me plonger dans l'oeuvre, de m'investir dans la découverte. Je sais par avance qu'il y aura un avant et un après, et qu'une fois de plus, je devrais vivre ce moment seul.

J'attends quelques jours, et un soir, je me lance.

Par lequel commencer ?
Him ou Her ?
Je m'attends à voir des films où 90% des scènes seront communes, et quelques fois, un aparté propre à chaque personnage.

Le film parlant d'Eleanor (ses parents choisissèrent ce prénom en référence à une chanson des Beatles), je préfère m'intéresser d'abord à lui.
Lui, c'est donc Conor. Et pendant 1h36, je vais l'accompagner dans sa vision des choses.

Comment vous dire que je ne m'attendais pas à ça ?
Sans vous spoiler une seule seconde le contenu de l'histoire, j'en veux un peu au trailer de celui-ci. Avec sa petite musique doucement pop, je m'attendais à voir une comédie romantique indépendante et intelligente. Il s'agit d'un drame, un vrai, mais pas du genre mélo.

Par son ambition de vouloir racontée une seule histoire en deux films (je persiste à dire que le troisième n'existe que pour satisfaire un public soucieux d'être devant une forme connue), le réalisateur Ned Benson prend le pari de laisser le spectateur comprendre ce qu'il se passe tout seul. À l'éternelle question du "pourquoi ?", la subtilité de la réponse se trouve dans l'absence de l'autre protagoniste de l'histoire.

Lorsque Conor se pose une question, on s'en pose deux. Et comme dans une vraie vie de couple, on ne peut que supposer, faire des regroupements avec les informations qu'on a sous la main, et en sortir une vérité.

C'était donc avec une certaine malice que je me lançais dans l'autre film (Her), et dès les premières secondes, j'étais complètement déstabilisé par ce qu'on me donnait à voir.

Au jeu du puzzle qui consiste à se demander à quel moment de leur histoire nous nous situons, le point de départ de ce volet prend le parti de nous dévoiler un sentiment totalement inverse à celui de "l'autre film", impression qui ne nous quittera plus jusqu'à la dernière seconde.

Ce qui choque le plus, ce sont aussi les couleurs de ces deux films. Aussi niais que ceci puisse paraître, Him est aussi bleu que les yeux de son acteur, quand Her est orangé comme la chevelure de son héroïne. Ce détail marque un peu plus la différence entre les deux protagonistes, et au final, rares sont les scènes communes.

"Pire" encore, il y a quelque chose de véritablement troublant dans certaines d'entre elles. En effet, d'un film à l'autre, l'action n'est plus la même. Tel personnage ne réagit pas de la même façon, ne se tient pas au même endroit, lorsque ce n'est pas les mots de l'un qui se retrouve dans la bouche de l'autre.

On en arrive donc à douter de l'existence même d'un point commun entre les deux histoires : Est-ce que, comme dans notre vie réelle, la mémoire des choses s'altère au point de raconter des choses qui n'ont jamais existées, ou qu'on est persuadés d'avoir vécu à la place d'une autre personne ? Il n'y a qu'à voir le nombre de fois où, sans faire preuve de mauvaise foi, j'étais convaincu d'avoir soutenu un propos avant d'avoir la preuve contraire sous les yeux pour valider cette astuce scénaristique, si vraiment il en s'agit d'une.

Il n'empêche qu'on ne sort pas moralement indemne à la fin de ce duo de plus de trois heures cumulées. Et c'est peut-être une bonne chose, va savoir.

Après, d'un point de vue strictement cinématographique, ces films ont de nombreux défauts. James McAvoy et Jessica Chastain jouent leurs rôles avec une subtilité nécessaire, certes, mais doivent constamment lutter contre un rythme bancal où ils doivent alterner les dialogues de sourds et les silences qui sont censés tout dire. Les différents seconds rôles, même s'ils existent, peinent à avoir une véritable importance dans le récit. Enfin, on reste aussi sur notre faim musicalement parlant, avec une bande-son réduite à son stricte minimum.

Finalement, The Disappearance of Eleanor Rigby me rappelle l'ambiance extrêmement particulière de l'éphémère série "Tell Me You Love Me", dans laquelle nous étions les témoins de couples en crise, avec en toile de fond un rapport à la sexualité dans tout ce qu'il y a de plus difficile à vivre quand rien ne va bien. Dans ces deux univers, il y a cette même façon de montrer le lien humain dans ce qu'il a de plus injuste, quand deux personnes n'arrivent plus à communiquer sans jamais vraiment avoir voulu en arriver là.

Tout un programme, n'est-ce pas ?
J'ai vraiment le don de vous vendre des films.

Sinon, pour The Disappearance of Eleanor Rigby : Them, il s'agit donc d'un montage malhabile des deux autres versions. En effet, en essayant de donner une structure commune entre les deux versions de l'histoire, on se retrouve devant un film où les ellipses posent un véritable problème de compréhension et dans lequel, au final, la moitié des choses sont véritablement dites. Au delà de la curiosité de savoir quelles scènes ont été choisies, ajoutées, écourtées, il n'y a pas vraiment d'intérêt à voir celui-ci.

Et même, je pense qu'avoir vu "Him" avant "Her" aide vraiment à la compréhension des deux. Je me suis amusé à me poser la question de l'ordre inverse, si on percevait la vie de chacun autrement en suivant d'abord Eleanor avant Conor, et je pense que c'est un poil plus compliqué. Si vous faites cette démarche, j'adorerais en discuter avec vous.

Enfin voilà, j'ai beaucoup aimé cette aventure cinématographique. Et j'ai beaucoup de plaisir à l'ajouter dans cette collection de films sur la situation amoureuse, avec (500) Jours Ensemble, Eternal Sunshine of The Spotless Mind, Celeste & Jesse Forever et A Single Man. Chacun de ses films traitent une situation particulière, et reflètent toute la complexité des sentiments et des relations humaines.

Bref, un bon délire de trentenaire.
Spry
7
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le 30 déc. 2014

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