James Franco est un véritable touche à tout, un artiste complet qui peut aussi bien se goinfrer d'un humour lourdingue que d’œuvres classiques. Il est capable de jouer au bouffon, même quand il n'est pas vert, tout comme il est capable de porter des personnages plus subtils. Il aime les choses qui ne sont pas forcément mis en avant, les œuvres un peu cachés, et surtout il ose, il ne recule jamais devant l’impensable.
Ce film en est la pure preuve, car qui d'autre aurait pensé à adapter un jour le bouquin écrit d'après le tournage du pire film de tous les temps ?
Greg Sestero et Tom Bissell ont en 2013 sortis le livre "The Disaster Artist: My Life Inside The Room, the Greatest Bad Movie Ever Made", pour faire court, pas comme ce titre, cet ouvrage que j'imagine presque biblique revient sur le tournage chaotique du nanar culte The Room.
Film sorti 10 ans avant le livre, film en tous points, vraiment en tous points, affreusement mauvais. Un ratage délirant qui marquera l'histoire des années 2000, pour revenir en force grâce justement à James Franco en 2018.
Magique de savoir qu'une communauté de fans existe bel et bien. Le créateur, réalisateur, scénariste, producteur, masseur, aspirateur, chou-fleur, tracteur et j'en passe de ce The Room, au doux nom de Tommy Wiseau est une icône vampirique incroyable. J'utilise le mot "incroyable" via sa réelle définition, épatant de voir qu'il y a des fans de cet homme, artiste raté exta-terrien, alors que d'autres se branlent sur Kubrick.
James Franco, devenu ami avec Wiseau est incontestablement fan de son film, de ce grain de nawak glissé dans le septième art. Il y rend hommage tendrement et avec amusement via cette adaptation. Comme souvent il joue le rôle principal de son film, il incarne donc Wiseau, enfin au vu de la prestation le mot "incarne" parait bien soft, il n'a pas démérité son Golden Globes.
Il se fond derrière ce maquillage, ces lentilles bleutées et cette perruque avec une précision mais également un plaisir dingue, rien que la scène post-générique où il se retrouve face au véritable Wiseau, c'est gratuit, du bonus de gamin, savoureux.
Il se permet même la fantaisie d'inviter des guests, Sharon Stone ou encore Bryan Cranston, j'en passe. Ainsi que de donner à son frère, Dave Franco, le second rôle, celui de Greg Sestero, l'homme à la base de The Disaster Artist. Son meilleur pote, Seth Rogen, Zac Efron, Josh Hutcherson, Alison Brie, Bob Odenkirk, Jackie Weaver et j'en passe sont également de la partie.
Le talent fou de Franco fait que tout ce beau monde, qui pourrait aisément passer pour du placement de potes s'avère exquis, tant l'artiste se voue principalement à son œuvre, poussant les détails assez loin, reprenant plan pour plan, aux décors quasi identiques, plusieurs scènes du film original.
The Disaster Artist n'a pas pour but de se moquer d'un film honteux et ridicule, en dégommant méchamment l'auteur atypique, au contraire, avec humour certes mais beaucoup d'amour il présente un artiste incompris, déchu, qui voulait simplement faire du cinéma, être une star. Ce qu'il est paradoxalement devenu d'ailleurs.
Ainsi Franco nous livre une adaptation que j'imagine épurée au vu de la taille du bouquin, que je ne vais pas tarder à commencer d'ailleurs. A la mise en scène efficace, il ne perd pas son temps et raconte les moments forts de cette aventure en jouissant de quelques scènes délicieuses comme le tournage sur le toit. La réalisation, à défaut d'être classieuse se révèle immersive, caméra à l'épaule le plus souvent. Le casting est royal, on sent que l'ambiance sur le plateau a dû être bien cool.
Et l'hommage est là quoi... un bel hommage à un film nul tout comme à un artiste peut être juste incompris mais aimé en tout cas.