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Le monde féerique de la misère sociale 


Qu'ils sont nombreux à choir et défaillir ! Ces films exceptionnels qui ne tiennent l'affiche qu'au gré de grands efforts. Souvent occultés par un blockbuster au budget pharaonique ou desservis par une campagne marketing discrète voir inexistante ; ils tombent dans l'anonymat avant d'avoir pu trouver leur public. Triste mais pourtant si courante histoire. Ainsi, l'œuvre géniale qu'est Thelma sortie en novembre s'est vue écrasée sous le poids de la communication agressive de Justice League et le bouche à oreille phénoménal dont a bénéficié Au revoir là-haut. Résultat : le film de Joachim Trier a fait 30 000 entrées en France quand les super héros faisaient 1,6 million et que Dupontel frôlait les 2 millions.


Face au mastodonte Star Wars, à son alternative La Promesse de l'Aube, un petit film d'auteur américain pointe le bout de son épée et se jette dans la bataille. L'histoire va-t-elle se répéter une fois de plus ? The Florida Project, perle du cinéma indépendant, a tout pour faire figure d'exception.


Réalisé par Sean Baker (qui avait déjà signé le très remarqué Tangerine en 2015), le film est une fresque sociale sur une frange de la population américaine trop aisée pour être considérée comme pauvre et bénéficier des aides mais également trop pauvre pour être pleinement indépendante. Elle est invisible, se cache dans les hôtels bon marché comme celui qu'on nous présente, dans une banlieue de Disney World, en Floride et tente tant bien que mal de s'en sortir.


Trois personnages, trois quotidiens, une même histoire


Le film suit Moonee (Brooklynn Prince), une petite fille de 6 ans, d'ailleurs portant bien son nom tant elle incarne par excellence l'innocence lunatique d'une enfant. Accompagnée d'une bande de copains jouissant d'une liberté totale, elle flâne dans le quartier en accumulant les bêtises en tout genre. Son incroyable créativité et le caractère grotesque de ses âneries poussent le spectateur à s'en amuser très franchement alors même que la gravité des conséquences est pourtant évidente. La fougue de la jeunesse replonge la salle en enfance effaçant la pesanteur des responsabilités. Habile.


Halley (Bria Vinaite), sa jeune mère, est une adolescente dans un corps de femme. Au moins aussi créative que sa fille, elle doit toutefois faire face à la dureté d'une réalité sociale qui ne joue pas en sa faveur. Décidée tant bien que mal à survivre, elle use de toutes les options et de tous les artifices pour mener sa petite famille en avant. Impulsive, immature, incapable d'avoir une vision à long terme, elle doit rapidement faire face aux conséquences de ses actes.


Enfin Booby, interprété par Willem Dafoe, crève l'écran. Gérant de l'hôtel où se situe l'action, il en est à la fois le tyran et le protecteur, transigeant sans cesse entre force et empathie. Son humanité, ses conflits, sa simplicité font de son personnage un catalyseur des interactions et l'un des meilleurs si ce n'est le meilleur rôle de la carrière de l'acteur.


L'environnement : un personnage à lui tout seul


The Florida Project était le nom qui avait été donné au projet de construction du parc de Disney World dans les années 1960. Depuis son ouverture en 1971, son rayonnement est immense autant sur le plan économique qu'architectural. Les couleurs vives, les formes improbables, les personnages fantastiques, tout cela contribue à créer un monde féerique à base de béton froid et de constructions peu onéreuses aussi étonnantes qu'effrayantes. Une ville marketing.


C'est dans ce cadre paradoxal mêlant le rêve à la trivialité de la réalité, que se déroule l'intrigue. Non pas les péripéties de quelques figures mais la vie de tout un univers, d'une classe sociale bien identifiée avec ce qu'elle a de diversité et de problèmes spécifiques. Une multitude de scénettes constituant le quotidien de millions de personnes aux USA.
Sean Baker n'a fait que poser sa caméra, mettre ses acteurs dans les situations qu'il observait pour réaliser un film aussi drôle qu'humain, et dont les dernières minutes ferons rependre des larmes d'extase.

Sbastien-Conrado
9

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le 1 janv. 2018

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