Un écrivain, dont on ne connaîtra jamais le nom, est engagé par un ancien Premier Ministre pour rédiger ses mémoires. Projet qui peut paraître attirant, surtout sur le plan financier, mais qui pourrait s'avérer risqué, puisque le prédécesseur est mort accidentellement.
J'attendais beaucoup de ce film, surtout après deux lourdes déceptions, le piètre Pianiste (là, normalement, je me fais huer, mais je confirme : Le Pianiste est un des plus mauvais films de Polanski, et une des pires palme d'or possibles) et le pitoyable Oliver twist. Un polar, c'est très bien. Un polar politique, c'est encore mieux.
Mais le sommet, c'est un polar politique jouant discrètement sur le fantastique.
Prenons dans l'ordre. Dès le début, on sent que ce n'est pas le film qui va nous faire rire. Ambiance grisâtre et pluvieuse, manifestations politiques et tensions dans le couple ministériel, informations qui laissent soupçonner des difficultés judiciaires, le cinéaste instaure bien vite une atmosphère tendue et sombre. Et c'est là que s'impose petit à petit la présence d'un secret, qui va vite devenir le centre d'intérêt du film.
Pas de doute, un vrai cinéaste est aux commandes. Et Polanski parvient à nous faire une mise en scène à la fois sobre et tendue. Sa grande force, c'est de ne pas en faire trop, de ne pas vouloir nous en mettre plein la vue. Sa réalisation est discrète, mais très efficace. Et, sans s'en rendre compte, le spectateur se retrouve happé par le film et s'aperçoit qu'il ne peut plus en sortir.
L'aspect politique du film n'est pas le meilleur, par contre. L'assimilation entre le Premier Ministre du film (Adam Lang, incarné par Pierce Brosnan) et Tony Blair est tellement évidente qu'elle en perd tout intérêt. Ressemblance physique, rapports Royaume-Uni et USA, accords militaro-industriels douteux sur fond d'engagement dans un conflit au Moyen-Orient, tout est fait pour établir un pont entre le personnage de film et le véritable politicien. Une assimilation revendiquée avec trop d'insistance à mon goût.
Au contraire, s'il y a quelque chose qui m'a bien plu, c'est le léger saupoudrage fantastique du film. C'est subtil, mais le personnage de l'écrivain, interprété par Ewan MacGregor, est plutôt bien foutu sur ce plan-là. D'abord, on ne connaît pas son identité : il n'a pas de nom, il est juste désigné par sa fonction. C'est un Nègre, c'est-à-dire, en VO, un Fantôme. "I'm your ghost", dit-il pour se présenter à Adam Lang quand il le rencontrer. Une phrase qui entraîne une vision très intéressante du film, même si elle n'est pas totalement aboutie.
Sous certains aspects, ce film, par la quête insensée du personnage principal, m'a rappelé La Neuvième Porte. Dans les deux films, il s'agit de chercher une vérité qui se révèlera dangereuse et ne pourra apporter que la mort. Dans les deux cas un personnage non-initié essaie d'entrer dans un cercle fermé et maléfique dont il ne connaît pas les codes et où il risque de se brûler les ailes.

Inabouti. C'est là peut-être le défaut majeur de Ghost Writer : il est bien foutu, il est gentil, il se laisse voir avec intérêt, mais il n'aboutit pas à grand chose. J'ai personnellement trouvé le final assez décevant. Il y a, certes, une volonté de réalisme chez Polanski, mais ça fait un peu tache d'avoir un film si passionnant sur sa grande majorité, et dont la fin tombe aussi mal.
Mais, dans l'ensemble, c'est plutôt agréable et bien foutu, un divertissement sympathique, qui reste quand même loin des chefs d’œuvre du cinéaste. Polanski remonte le niveau, mais n'atteint pas son sommet.
Et puis, il y a le petit rôle donné à Eli Wallach, et ça fait vachement plaisir de le revoir...
SanFelice
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le 10 janv. 2014

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SanFelice

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