Wong Kar, why ?
Je ne saurai me montrer plus éloquent que notre bon vieux @Senscritchaiev pour exprimer à quel point le dernier WKW fut une déception. Il semblerait que la fraicheur du réalisateur de Chungking...
le 25 avr. 2013
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A première vue, le dernier film de Wong Kar Wai parait raté et semble ne pas savoir quelle direction prendre tant son écriture se révèle éclatée. The Grand Master est une œuvre particulière et sensible où Ip Man, figure emblématique du kung-fu, est le personnage central du récit sans en être le protagoniste principal tant Gong Er lui « vole » la vedette. Un faux Biopic en quelque sorte. Les rivalités entre les maitres du sud et les maitres du Nord, la guerre et l’occupation japonaise en Chine, les complots en quête de pouvoir, la transmission du savoir et plus encore, toute cette intrigue s’avère vite secondaire et peu captivante tant le montage n’aide pas la construction du récit. Le montage scénaristique ne permet pas au film de prendre son envol pour trouver une consistance véritable dans sa volonté de mettre en scène une fresque historique digne de ce nom.
Les personnages semblent parfois désincarnés où tout l’aspect historique est découpé par un montage fluctuant et chaotique, sacrifiant de nombreux personnages secondaires (« The Razor ») et souffrant d’ellipses très mal agencées. On sent que l’histoire est trop grande pour un si petit costume. Mais est-ce vraiment important ? Non, ce n’est qu’un contexte au final et les enjeux dramatiques se rétrécissent, sont plus humains que cela où s’entremêleront vengeance aveugle et respect d’un code d’honneur destructeur. La magie de Wong Kar Wai se trouve sans doute ailleurs avec une écriture plus fine qu’on ne le pense. The Grand Master n’est pas à proprement parlé un film de kung-fu mais est un film de Wong Kar Wai, intimiste, où tout passe, comme d’habitude, que ça soit la fascination ou les émotions, par la maestria de sa mise en scène à l’esthétisme millimétré. On retrouve cette volonté d’intériorisé les sentiments avec des regards en biais faisant éclore malheureusement un amour impossible, avec une timidité et une dignité émotionnelle qui se heurte aux pulsions refoulées.
Par petites touches, le film se laisse vivoter, captant des brèches de sentiments abrupts où l’épicentre du film sera cette relation intense mais inexistante entre Ip man et Gong Er, fille du maitre Baosen. La direction artistique est d’une perfection presque divine, offrant une palette de couleur majestueuse, une œuvre picturale de toute beauté où le sens du cadre s’accommode parfaitement à l’intensité des situations, à l’image de cette première rencontre et de ce premier combat entre Ip man et Gong Er, miraculeusement époustouflant. Petit à petit, The Grand Master se libère de son dispositif visuel imposant pour errer avec grâce en donnant vie à toute une gestuelle presque artistique où chaque mot dévoilera une subtilité indomptable. Les scènes de combats ne feront pas que des heureux car outrancièrement stylisées privilégiant un visuel ultra découpé à l’efficacité ravageuse. Il n’en reste pas moins que leur fluidité n’a pas d’égale et que ces scènes-là sont en corrélation avec l’ampleur prise par le film.
On peut les regarder comme des morceaux de bravoures, de dialogue ou de communication où les gestes, les mimiques, les mouvements des personnages décrivent leur personnalité. Ce ne sont pas les personnages qui dévoilent une partie du kung-fu mais c’est cet art martial qui nous en dit long sur la profondeur de ces individus. The Grand Master est un film sur l’âme du mouvement où la fulgurance de la pensée et de la sagesse passe par l’irrévocabilité du geste et de l’intention. Wong Kar Wai se penche sur des individus prisonniers des exigences de leurs existences. D’un coup, le film fait corps avec son récit où le visuel, aucunement vain, sert de support à un propos vaporeux et volatile où une poésie triste brille alors de mille feux à la gloire de son actrice Zhang Ziyi, magnifique de violence romantique. Derrière ses défauts aisément visibles, Wong Kar Wai offre là une œuvre contemplative, tendue et joliment dépressive à l’image de cette scène finale presque ritualisée où la magnificence du mouvement donne place à la réminiscence du passé.
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Créée
le 16 déc. 2015
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1 commentaire
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