The Grandmaster s’arrête là où le cinéma d’action trouve ses limites.
Entre décérébration et intellectualisation du film d’action, Wong Kar-wai finalement ne se donnera pas la peine de choisir. Le juste équilibre est trouvé, on se pose juste là, à la frontière entre magnificence contemplative et frénésie martiale. Ni plus ni moins.

Alors, The Grandmaster: biographie ou roman?
Les prises de vues totalement oniriques invitent à la fiction mais l’omniprésence du narrateur nous ramène dans la dure réalité. On élude donc ici la question en s’éloignant discrètement du grand maître, de l’Histoire et de son histoire pour s’intéresser à la « danse » de ses proches satellites.

En effet, comme à son habitude, le réalisateur des fabuleux In The Mood For Love et 2046 aime nous perdre dans l’espace et le temps. Fidèle à ses thématiques, nous n’échapperons donc pas à la superposition de plusieurs narrations, de différentes vies et de diverses perspectives. Le tout sans nous perdre puisque plusieurs fils conducteurs ponctués de « stations » nous y aideront au fur et à mesure de notre avancée: les étages de la maison close (le combat), l’histoire de La Lame (la politique), le rythme des saisons (la naissance/la mort)…

Bien souvent, le temps se fige pour pouvoir encore mieux repartir à une vitesse folle par la suite. Ralentis, gros plans, lumières diffractées…: tous les outils sont employés à bon escient afin de coller au plus près à la sensation exposée.
En témoigne, les émotions exacerbées représentées par de simples objets usuels, de toutes petites choses sans importance sublimées par l’œil d’un cinéaste inspiré! Notre adhésion passera par-là, à notre attachement à une mèche de cheveu qui vole au vent, un bouton de manteau brillant, le frôlement de deux visages… De la poésie mélancolique, certes, mais surtout de la nostalgie lancinante qui vibre au rythme de la violence des coups rencontrant l’écorce adipeuse des corps en mouvement.

Enfin, Wong Kar-wai rend grâce à l’énorme travail du chorégraphe Yuen Woo-ping à coup de tableau digne de grand maître sublimé par la musique envoutante de Shigeru Umebayashi.

Voilà, les plans complexes et enivrants s’enchaînent doucement mais sûrement vers ce beau final inéluctable. La beauté d’une vie, son empreinte ineffaçable avec ses succès et ses regrets, l’amour immortel d’un instant, les temps changent mais l’histoire, elle, se répète et se répètera…
Car le grand principe de l’art d’Ip Man est juste ici, sous nos yeux : ne pas se retourner, avancer, savoir plier pour encore mieux… avancer.

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le 2 mai 2014

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Ludovic Craft

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