A la surface, la violence… en-dessous, des hommes et des femmes.
Actuellement en mode docu, je me suis donc lancé sur The Interrupters, largement acclamé par la critique et les spectateurs même s’il n’a jamais vu le jour dans nos contrées. Quel dommage tant la force émotionnelle qui s’en dégage est époustouflante. C’est simple, je n’avais pas autant pleuré durant deux heures depuis La Ligne Verte.
L’équipe de The Interrupters a suivi pendant un an les escapades des fameux interrupters (les héros de la ville d’après la tagline du film) à Chicago en Illinois, une ville américaine connue pour sa violence urbaine (les longs métrages sur le sujet ne manquent pas). Mais qu’est-ce qu’un « interrupter » ?
Ceux du documentaire font partie de l’association CeaseFire et leur but est de désamorcer les conflits afin d’éviter l’escalade de violence aboutissant à des fusillades et la mort de jeunes adolescents. Les interrupters ne prennent parti pour personne, ni pour la police, ni pour les gangsters, leur seul but est d’éviter les morts. Bien souvent, ces médiateurs sont d’anciens gangsters afin de bénéficier d’une voix légitime, une voix qui sera entendu par les enfants de la rue de Chicago.
Les principaux interrupters du film sont au nombre de trois : Ameena Matthews, Cobe Williams et Eddie Bocanegra plus le responsable de l’association, Tio Hardiman. The Interrupters débute sur un conflit à priori banal entre des jeunes, on sent toutefois que les choses peuvent dégénérer et voilà que débarque une femme musulmane maigrelette, trois têtes plus petite que les hommes auxquels elle tient tête. « Quelle inconsciente, elle va se faire démolir », me suis-je dit. Mais pas du tout, au contraire même, elle arrive à désamorcer le conflit et à calmer le jeu par la suite lorsque les protagonistes de la bagarre parlent de représailles.
On apprend par la suite le nom de la femme, Ameena Matthews, et qu’elle n’a pas toujours été cette musulmane pacificatrice. Dans sa prime jeunesse, elle avait été chef d’une bande et avait été impliqué dans du proxénétisme, du trafic de drogues et du recel. Un CV n’ayant rien à envier aux jeunes qu’elle fréquente. Pire encore, son père était un ponte du crime organisée avant d’être emprisonné à vie pour avoir tenté d’organiser un attentat avec les libyens. Un portrait très impressionnant qu’on aura bien du mal à relier à cette femme à l’apparence fragile. Seules les photos de cette époque parviennent à nous convaincre qu’il s’agissait bien d’Ameena.
Même portrait pour les deux autres interrupters, Cobe et Eddie. Même portrait aussi pour le responsable de CeaseFire, Tio Hardiman. Prendre des anciens chefs de gangs pour tenter d’arrêter l’effusion du sang dans la rue est une excellente idée, les jeunes acceptant mieux une remarque d’un ancien chef craint plutôt que de la police ou des passants lambda. Surtout les interrupters comprennent les jeunes, ils ont fait le même chemin avec les mêmes erreurs.
A leurs côtés, on suit le portrait de plusieurs personnes encore impliqués dans ce cercle vicieux de la violence comme une mère et ses deux enfants membres de gangs rivaux, comme une petite frappe tentant de revenir sur le droit chemin, comme ces enfants tentant d’évacuer le stress de leur vie par la peinture, comme cet homme de 37 ans, père de quatre enfants, voulant venger par le plomb sa mère et son frère embarqués par la police sous la dénonciation d’une autre personne ou encore comme cette jeune femme bouffée par la vie et n’arrivant à s’échapper de la spirale de la violence et laquelle Ameena s’identifie. Plusieurs portraits pour des discours émouvants car venant du cœur, je n’ai pas pu m’empêcher de laisser couler des larmes plusieurs fois comme la fois où une jeune petite fille craque en évoquant le souvenir des fusillades ou lorsque le jeune garçon va s’excuser auprès des clients d’un barbershop qu’il a braqué.
Pendant ces deux heures, on passe un an aux côtés des interrupters, on voit l’évolution de leurs protégés. On craint, on espère, on pleure avec eux. Il est drôle de voir comment la première rencontre avec les jeunes de Chicago est souvent synonyme de rejet, leurs comportements violents n’inspirant pas la compassion. Toutefois, plus on reste à leurs côtés, plus on apprend à les connaître, plus ils s’ouvrent et plus on découvre qu’il s’agit d’êtres humains avec un cœur mais dont la vie leur a donné « un jeu de carte avec uniquement des 2 ». Une véritable leçon d’humanité. Indispensable donc.
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