Avec "The Intruder", Deon Taylor nous refait plus ou moins le même coup opportuniste qu'avec son précédent long-métrage "Traffik" : surfer sur la vague de succès d'un Jordan Peele se réappropriant les codes du cinéma de genre avec une nouvelle vision bien loin des clichés auxquels étaient cantonnés les personnages afro-américains dans ce type de films. Seulement là où, au milieu de bon nombre de références, Peele a une vraie grammaire cinématographique, un langage de mise en scène pour justifier sa démarche et le propos qui l'accompagne (et ce quoi que l'on pense de ses films), Deon Taylor, lui, n'a absolument pas la moindre once de ce talent et se contente tout simplement de refaire des thrillers aux ficelles éculées et où la seule originalité est de changer la couleur de peau de héros d'habitude beaucoup trop assimilés à des stéréotypes au teint pâle. Peut-être que le point de départ de la démarche est louable mais si, in fine, elle se résume à ce seul argument de vente sans que rien ne vienne la soutenir derrière (non, mettre du R'n'B de seconde zone dès que l'occasion se présente n'est pas un argument !), elle peut très vite se retourner contre le changement de mentalités qu'elle voudrait véhiculer, surtout avec un résultat particulièrement médiocre comme ici...
Bon, reconnaissons-le, Deon Taylor a semble-t-il voulu faire plus d'efforts sur le fond cette fois, histoire qu'on ne le prenne pas trop en train de mettre une fois de plus sa main arriviste dans le pot de confiture. En effet, dans cette histoire où un couple afro-américain se fait harceler par l'ancien propriétaire de leur nouvelle maison, il y a tout de même une tentative de parabole sur la situation de la société américaine actuelle : sous ses allures de parfait cow-boy blanc américain avec un ceinturon rempli de valeurs naïves et d'armes à feu, le personnage de Dennis Quaid cache une violence psychotique se cristallisant dans le fait de voir sa maison appartenir désormais à une Amérique métissée qui le "remplacerait" quelque part. Avec ses airs affables, cet intrus pensant être de manière tordue dans son bon droit va donc s'accrocher à son bien immobilier le plus possible et pourrir la vie des nouveaux propriétaires, envahisseurs à ses yeux.
Le discours aurait pu être malin mais Deon Taylor, apparemment déjà tout satisfait d'avoir trouvé l'idée, n'en fera jamais rien et, pire, aboutira à faire déteindre la violence de cet agresseur sur ses héros qui opteront pour les mêmes méthodes en fin de course de toute cette affligeante histoire. Ce qui se prétendait relever du progressisme débouchera en réalité sur un résultat bien réac'...
Et puis, bon, au-delà de tout ça, "The Intruder" est surtout un très mauvais film. Pour peu que vous soyez un minimum rôdés à ce genre de thriller avec un individu de plus en plus invasif dans la vie d'un couple lambda, le film n'aura jamais rien de neuf à vous proposer. Dans l'affrontement grandissant entre un Dennis Quaid faisant des grimaces de type vicelard jusqu'à s'en faire péter les coutures de son dernier lifting et ce couple horriblement transparent (l'épouse est d'une gentillesse frisant la bêtise pendant que le mari drague tout ce qui bouge pour créer un minimum de drama entre eux), le mot "surprise" sera banni d'un scénario se contentant d'empiler sagement des rebondissements que l'on connaît déjà par cœur. Le tout donnera un téléfilm prévisible et fatigué comme on en voit des dizaines à la chaîne (incroyable qu'un truc pareil soit sorti dans les salles américaines !), filmé avec la platitude la plus exemplaire, beaucoup trop long pour ce qu'il a raconté et même parfois involontairement drôle dans les outils obsolètes qu'il utilise (la situation météorologique s'adapte par exemple à la vie du couple : soleil quand ils sont heureux, orage quand ils se disputent... fabuleux !).
À l'image de son titre passe-partout, "The Intruder" est encore une fois une œuvre parfaitement insignifiante de la part de Deon Taylor, un cinéaste n'ayant rien à raconter mais toujours prompt à s'incruster dans le courant initié par d'autres metteurs en scène bien plus doués pour en détourner la teneur vers des velléités beaucoup moins artistiques...