THE LAST FAMILY (Jan P. Matuszynski, POL, 2018, 123min) :

Surprenante chronique sur une cellule familiale dysfonctionnelle et singulier Biopic autour du peintre surréaliste Zdzisław Beksiński dont ses tableaux résonnaient chez les amateurs d'art comme des visions apocalyptique. Pour son premier long métrage Jan P. Matuszynski délaisse le Biopic classique qui consisterait à s'intéresser à l'œuvre de l'artiste pour choisir l'angle de la famille, plus intéressante à ausculter pour le cinéaste que les peintures elles même que l'on voit finalement qu'assez peu. Le réalisateur pour narrer cette histoire vraie opte pour une mise en scène rigoureuse avec de magnifiques plans-séquences, une image très formaliste en cinémascope, où les protagonistes sont compartimentés dans des compositions de cadres étudiés pour rendre l'atmosphère de ce huis clos étouffante avec une méticulosité de la reconstitution de l'appartement assez sidérante, où les êtres sont réunis mais isolés psychologiquement des autres. Jan P. Matuszynski offre une foisonnante réalisation en se servant des matériaux d'origine, nombreuses heures enregistrements vidéos d'archives personnelles en cassettes, vidéos VHS, écrits du peintre qui permettent de mettre en abime les mini-films dans le film et de se poser la question de la représentation de l'image. Ce procédé met en lumière également le détachement émotionnel du peintre lors de situations parfois tragiques que la caméra lui procure. Une attitude, comme la meilleure armure pour mieux se protéger de tous les maux intérieurs à la maison, entre son fils Tomasz animateur radio torturé, impulsif et suicidaire, la mère de famille fervente bigote sujette à des bouffées d'angoisse et les deux grands-mères quasi muettes qui attendent avec fatalité que le sablier de vie finisse son œuvre entre souvenirs traumatiques de la Gestapo et frayeurs à domicile. Le metteur en scène appuie donc son récit de façon très documenté à partir du déménagement de la famille de Sanok jusqu'aux nouveaux immeubles construits à Varsovie fin des années 70. L'intrigue débute par une confidence très intime et érotique du peintre à un ami en 2005, pour revenir en flash-back en 1977 et décliner ainsi sur presque 30 ans toutes les psychoses et évolutions culturelles polonaises, sans jamais trop s'attarder sur l'aspect politiques qui apparaît furtivement mais dont les dates nous rappellent certains changements majeurs de l'histoire du pays (Solidarnosc, chute du mur de Berlin...). La lente narration existentielle romanesque dévoile sans concessions toutes les névroses et les relations chaotiques de cette famille au bord de l'impression où le chef de famille semble assez bonhomme malgré l'extinction progressive de chaque membre de la famille jusqu'au final brutal. Le long métrage permet d'englober aussi toutes les évolutions techniques et technologiques dont Zdzisław Beksiński était friand (de la caméra Super 8 au caméscope etc...). Nous suivons également à travers cette histoire, l'introduction de la culture américaine et occidentale dans le pays : musicalement avec une délicieuse bande sonore cold wave (Yazoo, Ultravox...), cinématographiquement avec l'agent James Bond 007 dont on entend un extrait de L'espion qui m'aimait avec Roger Moore, traduit en simultané par le fils, et alimentairement avec les nombreuses bouteilles de Coca-Cola englouties par le père et les hamburgers à la célèbre marque dont je tairais ici le nom. Venez donc confronter vos propres maux de l'intérieur en explorant la complexité et la cruauté de la vie de famille du peintre Beksinski à travers cette atypique The Last family. Déroutant. Dérangeant. Prenant.

seb2046
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le 3 mai 2022

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