Petite production taïwanaise, The Laundryman est une comédie noire avec des accents de fantastique, concentrant son intrigue sur un tueur à gage hanté par les fantômes de ses victimes, développant un humour typique des films de la République de Chine, cette production parvient à se rendre divertissante pendant une bonne heure avant d'imploser quelque peu de par son manque de contenu ainsi que sa construction scénaristique bancale. En somme, une intrigue parfaite pour un moyen-métrage, mais manquant cruellement d'idées pour remplir une bobine de 110 minutes.


Pour la petite histoire, le réalisateur Chung Lee est un cinéaste né à Taipei, qui a pu vivre sa passion pour le cinéma en intégrant le programme AMF de l'Université de Columbia, où il a développé ses compétences de narration notamment. Il a commencé à se faire connaître en 2009, quand son court métrage "Mochi" a été projeté dans plusieurs festivals de cinéma, dont le Slamdance Film Festival, le Student Academy Award et le Taipei Film Festival.


Avant de développer, faisons un petit détour du côté du synopsis:


Hsiao-chuan Chang joue le rôle du fameux "Laundryman", un tueur à gages sous les ordres d'A-gu, une femme fatale jouée par le mannequin devenue actrice, Sonia Sui. De jour, A-gu dirige une laverie. Mais la nuit, ses employés rangent leur costume de laveurs pour enfiler celui de tueur à gage. La vie du Laundryman tourne autour d'un seul aspect, à savoir tuer et ramasser les corps. Ses journées suivent une routine ordonnée, à un détail près, détail qui se révèle de taille! En effet, chaque jour, quand l'homme rentre à la maison, un groupe de fantômes l'attendent dans son appartement, instaurant une ambiance claustrophobe et terrifiante. Effrayé et déconcerté, il demande l'aide de Lin Hsiang (Regina Wan), une médium capable de communiquer avec les esprits. Comme vous pouvez l'imaginer, les fantômes sont ceux des victimes du tueur, ils le hantent dans le but de savoir qui voulait leur mort, et pourquoi. Alors que l'assassin et la médium tentent de trouver des réponses, de sombres secrets émergent, conduisant à des révélations impliquant A-gu, ses expériences psychiatriques et ses sujets…


The Laundryman est un film comportant un certain nombre d'idées intelligentes. L'intrigue se concentre sur une laverie, soit un lieu où tous les défauts, la saleté et les troubles de la vie peuvent être nettoyés. Il aborde le sujet de la morale, comme celle de l'assassin qui apprend peu à peu qu'il possède la liberté de faire ce qu'il croit être les bons choix. Malgré une intrigue parfois irrégulière, le film parvient à conserver l'attention du public sans surcharger artificiellement son intrigue, offrant une exploration ingénieuse sur la dichotomie pérenne du bien et du mal.


Il est toujours intéressant de raconter une histoire du point de vue d'un tueur, avec tout ce que cela implique d'humour noir. Ainsi, le film commence en se concentrant sur son protagoniste principal, un tueur hanté par les fantômes de ses victimes. Au fil de son voyage pour se débarrasser de ces esprits qui le tourmentent, nous l'observons retrouver petit à petit son humanité. Un monstre comme lui peut-il trouver la paix? C'est bel et bien la question que pose ce film.


Dans sa réalisation, Chung Lee juxtapose un ton sombre, entourant les assassinats, avec des aspects comiques étonnants, mais qui fonctionnent plutôt bien. Certaines scènes peuvent paraître étranges à nos yeux d'occidentaux, comme une séquence de viol assez incompréhensible, mais d'autres gags sont plus réussis, à l'image d'une scène où le tueur à gages se retrouve soudain entouré par une douzaine de fantômes à moitié nus, se prélassant autour de lui dans sa chambre, comme s'il s'agissait d'un sauna.


Chung Lee a co-écrit le scénario avec le réalisateur taïwanais Chen Yu-hsun, également crédité en tant que consultant de montage d’une équipe de quatre monteurs dirigée par le directeur de la photo Hung-i Yao, une répartition des tâches plutôt insolite qui se révèle être un point important, car cela permet de déceler facilement plusieurs particularités visuelles, dont certaines similitudes avec la saveur farfelue des deux premières comédies de Chen, Tropical Fish et Love Go Go, notamment son utilisation de couleurs saturées; Mais il ne s'agit au final que de moments passagers, et non pas de marqueurs de style.


La photographie panoramique de Hung-i Yao enrichit la réalisation d'une exubérance expressive en étant poinçonnée de touches naturalistes et souvent résonnantes, mais manque cruellement d'un fil rouge cohérent. On notera tout de même l'espace habité par les personnages, qui se révèle fascinant, kaléidoscopique et pourtant teinté d'un sentiment de proximité qui n'offre aucune échappatoire.


L’influence de Chen Yu-hsun sur le scénario se fait particulièrement ressentir lorsqu’il agrémente l'histoire de son sens de l'humour typique. Il n'est d'ailleurs pas surprenant que le film soit animé par de nombreux motifs syncrétiques. Hsiao-chuan Chang intégrant dans sa prestation un mélange particulier de calme et d'innocence sauvage, qui rappelle sa performance dans "Soul", de Chung Mong-hong, à savoir le rôle d'un homme qui perd peu à peu son âme.


Pour continuer sur le sujet des performances d’acteur, elles se révèlent quelque peu inégales, Hsiao-chuan Chang livre certains moments forts, notamment comiques, l'espace de quelques scènes, et nous gratifie d'une utilisation intelligente de son physique dans les scènes d'action, mais il ne parvient jamais à composer un personnage avec lequel le public peut totalement s'impliquer. Regina Wan, qui joue la médium censée l'aider à exorciser ses démons, était très bonne dans un film comme Paradise in Service, mais se révèle plutôt agaçante ici, basculant sans cesse entre hystérie totale et sérieux presque religieux, malgré un côté impertinent avec une dose mesurée d'espièglerie. Dans un rôle plus secondaire, l'actrice sino-malaisienne Yann Yann Yeo parvient de son côté à apporter quelques touches de caractère bienvenues avec un rôle important dans le final du film. Etonnamment, la plus grosse surprise en termes de performance d'acteur vient de la personne la moins expérimentée du casting, à savoir la top model Sonia Sui, qui apporte une vraie classe, avec son rôle de patronne du tueur à gages, dénotant un vrai travail de caractérisation. La jeune actrice, connue principalement pour ses rôles dans des court-métrages, étonne avec cette composition de femme froide et pulpeuse, véritable incarnation du mal, sous la forme d’une personne manipulatrice, tentant les gens à agir selon leurs impulsions malveillantes et leurs pensées haineuses. On notera surtout, en ce qui la concerne, des scènes d'action électriques magnifiquement chorégraphiées, parvenant même à éclipser les prestations de Chang, qui n'est pourtant pas un manche en termes de combats, comme il le démontre tout au long du film.


Finalement, le problème principal de ce long-métrage reste son écriture, qui commence sérieusement à manquer de fraîcheur après une heure de film, Chen et Lee ne semblent avoir aucune idée de la direction dans laquelle ils veulent mener leur barque, et au lieu de recourir à une histoire de fond sur le thème de la méchanceté pour garder le récit à flots, on se contentera d'un final quelque peu simpliste en forme de bain de sang, où il est difficile de se soucier du sort des différents protagonistes. Le film est pourtant basé sur une forme d'humour juvénile très efficace et typique de la plupart des jeunes réalisateurs taïwanais. Mais son plus grand défaut reste qu'il ne semble jamais clairement savoir dans quel genre se situer, et que le ton de la mise en scène change de séquence en séquence, sans que cela soit vraiment justifié. Il suffit de le mettre à côté d'une comédie policière intelligemment écrite et jouée, comme Sweet Alibi, de Lian Yiqi, pour que les défauts de The Laundryman se révèlent limpides à presque tous les niveaux.


En somme, The Laundryman a plus ou moins l'apparence d'une saison entière de série télévisée qui aurait été entassée en 110 minutes de film. Cela se remarque particulièrement dans le schéma des enquêtes, traitées de façon épisodiques, révélant au final une plus grande conspiration semblant soutenir un arc narratif global. D'autre part, la révélation de la connexion entre A-gu et les fantômes paraît creuse et incomplète, suggérant une intrigue remontant à des décennies, mais refusant de clarifier ses motivations. En fin de compte, il semble qu'un format sérialisé aurait grandement bénéficié à ce film, qui reste tout de même plaisant, mais laisse un goût d’inachevé quelque peu désagréable à la fin du visionnage.

Schwitz
5
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le 18 mars 2017

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