Les comédiens se pressent chez Baumbach, et l’on pourrait résumer son cinéma à cela : les variations de visage et d’incarnations sur une partition constante, celle des rapports humains : la famille, le couple, New York, suite de petits sketches à l’écriture ciselée, dont la sculpture locale l’emporte en ambition sur l’ensemble.
Le titre ne dit pas autre chose : on sélectionne des fragments de vie, quelques histoires qui composent la nébuleuse autour d’un patriarche souvent irascible, et dont les 4 mariages ont généré 3 enfants aux complexes multiples.
Baumbach pastiche habilement le père Woody Allen, et les comédiens se font visiblement plaisir. Comme The Square lui aussi en compétition à Cannes, il aborde la question de l’art contemporain à travers la figure d’un artiste confidentiel, et de la relève prise par sa petite fille s’essayant au film porno-arty pour des séquences assez drôles. Certaines idées sortent du lot, comme la scène du restaurant où le voisin de table prend ses aises, ou le massacre d’une voiture pour un crime ayant pourtant dépassé les délais de prescription.
Si la comédie est assumée, Baumbach joue toujours d’une certaine forme de décalage, maintenant une distance avec ses personnages qui naviguent entre le pathétique et l’attachant, le risible et la fragilité. L’assurance première du personnage de Dustin Hoffman, qu’on voit progressivement tailladée par la réalité de ce que fut sa vie construit une trame certes convenue, mais dont la progression est bien menée. Le recours à la musique, la violence grotesque ou au discours public pour confier une certaine vérité atteste de cette incapacité à trouver les mots justes au quotidien. Sur cette idée centrale, l’apprentissage de la parole dans l’éventualité d’un adieu face à la mort est intéressante, même lorsqu’elle est abordée par le biais de la satire. Le dépliant donné à l’hôpital aux enfants leur propose la séquence suivante :
I love you, I forgive you, forgive me, thank you, goodbye.
En dépit de son étrangeté, de son caractère abrupt, c’est bien là le programme du film. Énoncé avec maladresse, sous la gangue des rancœurs et des non-dits, il s’achemine vers une certaine forme d’émancipation, conscient pourtant que certains caractères ne changeront jamais.
…Comme les films de Baumbach, qui affectionne visiblement de restreindre ses ambitions à la médiocrité de ses personnages.
(6.5/10)