The Mother (retitré en DVD US Cradle will fall, mais aussi connu sous le titre original débile de Baby Blues) est un film qui, à force d'avoir constamment le cul entre deux chaises, devient extrêmement inconfortable pour son spectateur.
En effet, s'il se targue dans le pré-générique de relater des faits réels, sa mise en scène ne cesse d'alterner un naturalisme plutôt inquiétant avec un film plus clairement "d'horreur" usant et abusant des codes du genre, rendant ainsi le film finalement au moins aussi schizophrène que la jeune mère du titre.
Cela pourrait faire le génie du film mais malheureusement, il y a tout de même une sérieuse couille dans le potage: celle de la morale du film lui-même, en dehors de celle de ses personnages.
C'est de plus en plus courant dans le cinéma d'horreur contemporain où de "jeunes" cinéastes montrent la pire des violences, sans se poser aucun problème d'éthique par rapport à ce qu'il montrent.
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Attention spoilers !!!
En effet, le film raconte l'histoire d'une jeune mère de quatre enfants qui, en pleine dépression post partum après la naissance du petit dernier, pête un boulard et se met à degommer un à un ses chers bambins, l'ainé tentant d'abord de sauver ses petits frères et sœurs avant d'être traqué seul par l'affreuse maman.
Et c'est bien là que le problème se pose: le film brise avec courage, et un vrai culot, un des plus grands tabous du cinéma comme de la société, celui du meurtre explicite et de la traque à mort d'un nourrisson, de deux enfants en bas age et d'un gamin d'une huitaine d'année, c'est la qu'est sa grande force, mais c'est aussi là dessus qu'il se casse les dents (de lait ?) car le courage pourrait bien être seulement un gout un peu douteux pour la barbarie érigée en spectacle...
Les deux premiers meurtres sont filmés d'un certains point de vue, très réaliste et donc ultra violent - certes - mais avec un sens de l'ellipse et du hors champ qui sauve la mise en scène d'un point de vue éthique et qui plonge le spectateur dans une réelle stupeur et un malaise profond.
Et la mère reste, pour le moment aussi pathétique que terrifiante, ce qui rend le film à priori passionnant... Elle est même d'autant plus effrayante que, par son statut même de mère, elle peut user de séduction et/ou d'autorité pour atteindre ses petites victimes, ce qui est une belle idée de fiction horrifique.
Et jusque là, le film est atroce, absolument insoutenable mais tout à fait défendable.
Mais ensuite commence la traque des deux petits survivants et le film opère un virage à 180°et l'on se retrouve dans un banal film d'horreur où la mère, devenant alors vraiment monstrueuse (physiquement, verbalement, etc...) et où le film ne tient plus alors que sur des ressorts de suspense classique et d'une mise en scène plus ou moins calquée sur Shining (la poursuite dans le champ de maïs ou les coup de hachoir dans la porte de la salle de bain, entre autre) et où elle m'apparait beaucoup plus douteuse puisque l'on reste malgré tout contraint à subir la traque, les blessures infligées de manières plus visuelles: le gamin reçoit deux coups de hachoir, on ne voit pas la fourche plantée dans la petite, mais on l'a vue juste la minute d'avant plantée dans le cochon, ce qui revient au même...
Bref, le film devient alors aussi choquant dans sa forme, qu'il l'est dans son propos.
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Fin des spoilers
Il eut sans doute été préférable de rallonger les scènes d'exposition du film, de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce pétage de plomb, de sentir monter la tension crescendo, pour se limiter à un climax final concernant le déchainement de la violence pour ainsi éviter de tomber dans le coté "entertainment" de cette violence surtout concernant des meurtres aussi choquants. Les personnages n'étant plus considérés comme les enjeux même du récit, mais plutôt comme des pions au service du suspense...
Le modèle parfait, dans le genre, aurait pu être Henry, Portrait of a serial killer.
Car ici, finalement, passé le premier choc tellurique, le malaise du spectateur nait bien plus du fait qu'il est sensé jouir (avoir peur et donc être diverti) de ce qu'il voit plutôt que d'en être simplement glacé d'effroi comme c'était le cas au départ. Il ne sait alors plus sur quelle chaise s'assoir, à moins d'avoir deux culs !
Il faut ajouter à cela que toute la première partie du film, qui aurait du être la plus soignée, est vraiment la plus médiocre, tant du point de vue de la mise en scène, du jeu des acteurs adultes (les enfants sont parfait du début à la fin), du travail vraiment minable du directeur de la photo (plans flous, abus de filtres, images vraiment moches...), ce qui est tout de même regrettable et ne saurait être imputé à la seule faiblesse du budget.
Bref, voila donc un film totalement bancal, qui, passé la première demi-heure, devient absolument génial durant une quinzaine de minutes dès le premier signe de pétage de cable et qui retourne à une certaine banalité vaguement malaisante passé cet éclair de génie...
Un tel sujet, un telle histoire, méritaient vraiment mieux.
Reste cependant un film qui interroge autant la société et la morale qu'une éthique du cinéma, qui m'a souvent choqué profondément et fichu sérieusement la trouille la plupart du temps...
Reste à bien savoir ce que l'on est prêt à y voir ou à ne pas vouloir y voir, mais aussi ce que l'on est près à supporter, car, autant prévenir de suite, le film n'est pas pour tous public et je pense qu'il sera très difficile à supporter par des personnes sensibles et notamment pour de jeunes parents...
Par contre, ceux qui détestent les moutards devraient s'y éclater ! lol