Au nom du père.
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Un premier acte phénoménal porté par Ryan Gosling fait paraître le reste du tryptique presque fade et peu original, malgré l'inventivité et la qualité de la narration; le film, trop ambitieux, établit dans sa première heure une atmosphère bien particulière, avant de tomber dans le thriller policier de qualité, mais déjà-vu.
Il semble que ce soit d'ailleurs une marque de fabrique de Derek Cianfrance: The Light between Oceans s'affaisse de la même façon lorsque sont introduits des éléments de tension dramatique plutôt évidents, bien que la première partie du film soit unique et magnifique, encore une fois grâce à la performance nuançée des acteurs principaux, et une narration bien rythmée malgré le peu d'événements à amener dans la progression de l'histoire.
The Place Beyond the Pines reste solide grâce à un contrôle exemplaire du rythme narratif: un enchaînement fluide, logique, structuré des scènes renforce la crédibilité de l'histoire.
D'une certaine façon, le film aurait eu un impact bien différent si l'ordre de la narration avait été renversé: le climax de la séquence étudiant Luke Glanton aurait été celui de l'histoire entière, expliquant le mystère qui aurait entouré la vie du père de Jason dans ce qui serait devenu la première partie.
La construction de ce film en trois histoires complètement différentes dans leur ton pose le problème des limites de l'expression d'un seul film: on a presque l'impression en regardant The Place Beyond the Pines d'en voir trois.
Le changement de contexte est au coeur de ce problème: la première partie se déroule dans un contexte plutôt rare au cinéma (ce qui contribue grandement à établir son atmosphère si particulière), un cocktail de forêt, de liberté dans la pauvreté, et de classes moyennes en difficulté, que l'on observe à travers les yeux de Luke, qui a clairement vu et vécu dans des conditions difficiles.
La deuxième partie nous transporte dans un commissariat corrompu, et la troisième dans l'univers d'un jeune à la Dazed and Confused moderne: des lieux et types de scènes ou de personnages plus courants et simplement identifiables, qui ne développent pas d'identité propre.
Quelques facilités scénaristiques ternissent également cette deuxième partie pourtant respectable
(le chef est évidemment aussi corrompu, Avery n'avait jamais en une année de service remarqué ladite corruption, et il détient dès le départ le moyen d'endiguer celle-ci)
mais Bradley Cooper livre une performance très efficace, presque étonnante de sa part (dont il reprendra des éléments dans American Sniper).
L'autre différence entre l'histoire de Luke et celle d'Avery puis Jason est leur sens de finalité: là ou le but des deux dernières parties est la progression du scénario en elle-même, la succession d'événements (qui sont encore une fois connectées efficacement par des liens de causalité crédibles) et l'évolution de l'acquisition des informations necéssaires à cette progression par les protagonistes, le premier acte propose au spectateur un regard omniscient qui s'attarde avec bienveillance sur les épreuves et tribulations d'un dur à cuire au grand coeur, un personnage complexe, ou du moins qui semble l'être, peut-être uniquement grâce au jeu de Gosling.
Ces approches différentes ne sont pas toujours meilleures ou moins bonnes, mais ici, leur juxtaposition crée une disparité tonale difficile à rattrapper, bien que la fin s'approche de l'ambiance du début, par exemple en en réutilisant une musique magnifique sur un plan adapté, rapprochant visuellement et musicalement le père et son fils.
Le film trouve parfois des moments de mise en scène sublime, comme l'idée ci-dessus, ou la scène de moto en forêt, qui suit directement celle du baptême, créant une continuité émotionelle avec un effet Koulechov très intelligent, avant de poursuivre la scène en coupant le son, ce qui crée un moment de cinéma puissant, une sensation indescriptible, dans laquelle est enveloppé le premier volet de cette trilogie.
La photographie de Sean Bobbitt est parfaite, et bien qu'il souhaîte probablement qu'elle ne se fasse pas remarquer, elle est d'autant plus importante à mentionner, car elle soutient constamment le propos du film (quel qu'il soit) sans dévier dans des envolées stylistiques, et ainsi elle en devient l'élément du film qui maintient la cohérence entre les trois actes; c'est Sean Bobbitt qui a notamment imaginé le plan-séquence initial, bien qu'il n'ait eu que peu de temps pour se préparer après le renvoi d'Andrij Parekh (qui avait tourné Blue Valentine avec Cianfrance).
Créée
le 22 févr. 2017
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