C'est un superbe plan séquence qui nous immerge dans une commune de l'état de New-York, quelque part au milieu des pins. Ce plan, nous présente Luke, biker tatoué et crasseux, dans une ambiance foraine. On le suit le temps d'une clope depuis sa roulotte jusqu'à son entrée sous le chapiteau pour son numéro du globe de la mort. Le présentateur annonce alors, non sans zèle :"Luke le magnifique". Un nom de scène on ne peut mieux choisi pour un Ryan Gosling toujours aussi beau gosse mais surtout au jeu profondément magnétique. Magnifique, c'est le mot, faut croire que le pilotage lui sied plutôt bien, voire davantage avec deux roues en moins.
Alors qu'on semble s'embarquer dans une itinérance foraine, Luke va poser ses bagages dans l'espoir d'approcher le bien être familial. Un espoir qu'il voit surgir, un an après une rencontre sans lendemain lors de la précédente tournée, dans les yeux de sa progéniture.

A partir de là, c'est l'histoire d'un homme à la dérive, comme en bout de course sur une moto crevée, ou plutôt de trois hommes, voire même de l'homme avec un grand h. L'homme qui projette, espère, mais dérive, car déterminé par ses actes qui lui coûtent la vie ou sa conscience, mais aussi par le père ou plutôt, son absence. La pellicule entière est emprunte de ce thème de la paternité que Cianfrance nous donne à méditer à travers un tryptique rondement mené, bien que la première partie se détache largement des deux autres. Un contraste dû à un scénario devenant prévisible et à la diparition de l'écran de Gosling aka Luke auquel on s'était vite attaché...

Mais le tout s'imbrique tout de même admirablement et Bradley Cooper, qui prend le relai, est certes bien loin de la prestation de Gosling mais surprend agréablement dans le rôle de Avery Cross, un jeune homme tout fraîchement flic et père. Dans l'exercice de ses fonctions, il ôte la vie de Luke, qui, pour chercher la stabilité et l'amour familiaux avait pris un revolver, enchainé les casses, usé de violence, ne trouvant au final que le rejet de Romina (la mère de son enfant, jouée par Eva Mendès, pas transcendante) et une flaque de sang autour de sa propre tête. On suit alors Avery, exhorté comme héros, mais seul à souffrir la vérité de ses actes, celle d'une bavure policière, sur un jeune père. La culpabilité le ronge (celle-ci aurait peut-être méritée d'être davantage creusée et exploitée) ; et en suit sa dérive familiale et des embûches professionnelles sur fond de corruption. Mais son ambition, aiguillée par son père (tiens, encore un), sur les traces politiques duquel il marchera le retient à la rive.

Ellipse. 15 ans plus tard. Dernière pièce du triptyque. Jason, tout comme son père Luke, a des yeux bleus vifs et un regard perçant mais surtout tout comme son père, sans père, il est paumé, à la dérive. D'autre part, AJ, le fils Cross. Tout comme Jason, son existence a été déterminée par la rencontre entre leurs pères respectifs. Ignorant tout deux jusque là ce qui se passa 15 ans plus tôt, ils vont être amenés à se rencontrer... Une dernière partie plutôt facile, qui semble manquer légèrement de substance, mais qui reste toutefois captivante. Elle se clôt sur une scène qu'on attend forcément, mais qui illustre le déterminisme paternel autant que l'indétermination des actes à venir. On ne peut s'empêcher de penser aux tranches de vie non saisies par le film, à la trajectoire que prendra Jason, et à celle de son potentiel futur enfant.
Néanmoins, l'ensemble se tient tout à fait, une photographie remarquable et une B.O plutôt réussie faisant office d'excellents liants. Le morceau "The Snow Angel" de Mike Patton (http://www.youtube.com/watch?v=R1C3zABx4KU) , consacre à plusieurs reprises l'ambiance électrisante au mileu des pins. On retiendra également la manière dont Cianfrance filme la vitesse, avec brio, que ce soit dans la forêt, après un casse, ou lors de la course poursuite fatale à Luke.

Somme toute, du pin bénit qui, malgré quelques imperfections, vient rehausser le niveau des sorties en salle depuis le début de cette année 2013.
TylerBirowl
8
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le 28 mars 2013

Critique lue 383 fois

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TylerBirowl

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