Magnifique Court Métrage
28 minutes qui sont d'une sensibilité folle. La performance de la petite fille est exceptionnelle. Pas connaissance d'une si belle interprétation par un enfant. Aucune scène n'est à jeter, on...
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le 4 mars 2022
Ce qui frappe à la découverte de The Recorder Exam c'est sans doute la richesse à peine susurrée que recouvre sa gentillette demi-heure. Derrière son allure anecdotique, le film circule avec une justesse étonnante entre enjeux de l'intimité intrafamiliale (rapport au frère, à la sœur, relations aux parents, et derrière cela tout ce qui touche aux enjeux de reconnaissance intrafamiliale et de circulation de l'amour entre les membres de la famille), enjeux sociaux (la difficulté à sociabiliser, le regard des autres), scolaires (la pression, l'univers scolaire comme "première société") mais aussi le milieu social (disparités de genre, disparités socio-économique), et surtout, l'autodétermination.
Ce dernier point est sans doute l'un des sujets majeurs du film, d'autant qu'il retentit directement avec l'histoire du peuple sud-coréen. Kim Bora fait se situer l'histoire en parallèle des J.O. de Séoul en 1988. Un moment où, derrière les petites épreuves (sportives), se cache une grande épreuve pour la société sud-coréenne, qui doit saisir l'occasion pour trouver une nouvelle image d'elle : Celle d'un pays tout fraîchement démocratique, ouvert, développé (en opposition avec son aspect de pays industriel, dictatorial, dont l'histoire récente se reconnecte très vite à la guerre de Corée et à ses affres). Cette épreuve de performance de soi face au monde résonne d'une manière étonnante avec l'examen de flûte qui attend Eunhee. Les nouvelles des performances sud-coréennes aux jeux-olympiques qui ponctuent le récit y vibrent comme tant de préparations au moment à venir pour la jeune fille.
Ce contexte d'évolution et ces épreuves ne sont jamais des fins en soi - on sait bien d'ailleurs à quel point la promesse démocratique sud-coréenne n'a cessé, comme d'autres, d'être entachée notamment par des histoire de corruption et de détournement d'argent. Comme nous le disions, la perspective que donne Kim Bora, est davantage dans l'autodétermination : dans la façon d'affronter ces épreuves, quelles que soient leur nature, tant qu'elles contiennent en elles-mêmes une promesse, l'opportunité de pouvoir s'épanouir un peu plus, d'aller vers des jours meilleurs... Ainsi, si l'examen de flûte est bien ce qui motive et structure tout le film, son résultat n'est pas tout à fait important. Bien moins que la conviction de n'avoir aucun regret. Bien moins que le repas familial qui l'a précédé, ou que ce "Bonne chance", esquissé par une amie quelques secondes avant même qu'Eunhee passe son examen.
Kim Bora parvient à toucher avec une grande justesse de très nombreux sentiments d'enfance. Le fait d'être née en 1981 et d'avoir connu vers ces âges cette même époque, au même endroit, n'y est sans doute pas pour rien. Tout comme son regard sur la situation, la caméra de Kim Bora est toujours très bien positionnée, attentive. Elle accompagne ses personnages avec une empathie dont attestent les couleurs chaudes de son 16mm. Elle encadre avec justesse, rend intelligible, sensible. Il faut, en la matière, saluer son attention très honorable aux détails : Une qualité envoûtante qui offre à son court-métrage, en plus de la complexité de ses dimensions, une puissance rare, qui ne serait pas étrangère à la magnitude d'un Edward Yang - d'autant plus en pensant au regard, gorgé d'empathie et de souvenirs très sensibles, porté sur la jeunesse, notamment.
Un court-métrage qui sans doute a l'air plus simple qu'il ne l'est, gentil, bien exécuté, émouvant, mais dont les qualités sont, au fond, au-delà de ce que son étiquette nous mène à croire. Je le pense avoir la grandeur intérieure de ces films majeurs qui savent conjuguer l'intime au général. De ces films qui peuvent, sans laisser paraître leurs efforts, cristalliser tant de choses d'un monde, d'une situation, avec tant de maîtrise discrète. De ces étoffes raffinées qui nous glissent sous les doigts, et qui en un autre sens nous caressent.
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Créée
le 22 août 2021
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7 j'aime
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