Sommes-nous prêts à affronter nos rêves quand ils se transforment en cauchemars ? C’est dans cette direction que nous conduit le très intéressant The Room, qui devait sortir en salle le 25 mars dernier et qui finalement est rendu disponible prématurément en VOD depuis ce jeudi 14 mai, dans le contexte sanitaire actuel.


Certaines personnes aiment les projets de rénovation de maisons. Je ne fais pas partie de ces gens, par manque de compétences en bricolage. Quoi qu’il en soit, même les projets de rénovation les plus importants ne peuvent pas effacer complètement le passé. Certaines caractéristiques d’un bâtiment veulent être vues, malgré les meilleurs efforts des propriétaires. Parfois, ces caractéristiques peuvent être… pour le moins désagréables. The Room examine ce qui peut se passer lorsque quelque chose est déterré, quelque chose qui aurait dû rester enterré. Une histoire métaphorique qui nous amène très vite sur des pistes multiples et une réflexion possible bien plus vaste que le juste scénario. Ce film s’appuie notamment sur un concept unique et simple. Il oblige le public à se demander ce qu’il souhaiterait et ce qu’il serait prêt à sacrifier. L’intrigue est très efficace, et les cinéastes ne passent pas trop de temps à essayer d’expliquer comment ou pourquoi la pièce fonctionne ainsi. Il y a quelques petites allusions, mais la plupart du temps, le public est simplement amené à l’accepter telle quelle.


Écrit par Christian Volckman, Sabrina B. Karine et Eric Forestier, le scénario fonctionne plutôt très bien. Personne ne se soucie de savoir pourquoi la pièce a des pouvoirs magiques, et tout nous conduit à nous fixer sur comment les personnages y réagissent. Ils poussent les capacités de la pièce, découvrent ses limites, et nous voyons le fossé grandissant entre Kate et Matt.


Au travers d’une structure en trois actes assez traditionnelle qui offre tout de même de nombreuses variations imaginatives, le film séduit par sa façon d’osciller entre les personnages principaux, permettant à l’un puis à l’autre de porter le poids de la narration. Il faut dire que les deux rôles principaux, Matt et Kate, sont très bien interprétés.


Des deux, c’est Matt qui occupe la plus grande partie de l’exposition. Matt, est joué par Kevin Janssens (Revenge, The Ardennes). Matt est un mari aimant qui veut fournir à sa femme tout ce qu’elle désire, un personnage étonnamment chaleureux qui a des accès de rage, mais dont l’amour pour sa femme est toujours évident. C’est son personnage qui passe du temps à « apprendre des choses » et Janssens fait de son mieux avec un rôle parfois un peu ingrat. Kate est plus agréable, et Olga Kurylenko (Mara, À la Merveille, L’empereur de Paris, Quantum of Solace) se plonge dans son personnage tout en relief, et gère les nuances changeantes de Kate avec beaucoup d’habileté. Nous voyons la joie, la curiosité, le désespoir, la détresse et la terreur de cette femme. Beaucoup d’acteurs se retiendraient dans un film comme celui-là, mais Kurylenko se donne à fond et livre une performance extrêmement solide. Au début, Kate est un complément solide et constant de Matt, renforçant doucement ses instincts artistiques tout en poursuivant son propre travail épuisant de traductrice. Elle est prête à partager ses joies avec lui, bien qu’elle ait ses propres questions sur la pièce. Elle finit par suivre ses propres instincts, même si cela pourrait rompre leur relation, et c’est elle qui doit faire les choix vraiment difficiles auxquels ils sont confrontés. Une performance chargée d’émotion. Les deux personnages ont en tout cas une alchimie étonnante à l’écran et transmettent les subtilités d’une relation engagée.


Les cinéastes font un excellent travail en accumulant lentement les souhaits jusqu’à ce qu’ils deviennent incontrôlables. La maison, d’une certaine manière, est un personnage en soi qui crée un fossé entre les membres de la famille en leur donnant tout ce qu’ils souhaitent. Avec l’enfant, le film prend une direction qui pourrait déranger certains spectateurs, mais dans l’ensemble, c’est une histoire très bien construite et pleine de suspense.


The Room est un thriller psychologique intelligent qui examine l’horreur qui peut apparaitre quand on obtient tout ce que l’on veut. Une façon peut-être aussi pour les croyants de réfléchir et réexaminer l’expression « ce que ton cœur désire… ». Un cinéma sombre, tortueux et intense qui met à mal ses personnages qui ressemblent finalement beaucoup à chacun d’entre nous.

GadreauJean-Luc
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le 22 juil. 2020

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