Les histoires du Mouron Rouge ont fait mon enfance, en même temps que Zorro à la télé le samedi soir (et dont il est l'ancêtre, d'ailleurs). Grâce à Sir Percival Blakeney, Baronet, j'ai un faible certain pour les héros masqués qui font semblant d'être des chiffes ou des idiots dans la vie de tous les jours : Zorro donc, Superman en tête, mais aussi Iljimae, la Tulipe Noire, Batman et tant d'autres.
C'est une belle production télévisuelle que propose la BBC adaptant 2 romans de la série prolifique de la Baronne Orczy.
Sir Percival Blakeney, jeune noble dandy britannique, avec son groupe de joyeux compagnons, se charge de libérer des aristocrates français promis à la guillotine.
L'intrigue se déroule en 1792, au plus fort de la Terreur, peu de temps avant l'exécution de Louis XVI lui même.
Et c'est la que j'ai eu mon premier hic.
Pendant cette période, donc, dite de la Terreur, il est impensable qu'un aristocrate anglais voyage aussi facilement et aussi ouvertement à Paris. Il y a également des nobles français qui vivent bien tranquilles dans leur appartement parisien.
Pas en 1792!
C'est d'autant plus rageant que cela trouve son origine dans le désir du scénario de condenser certains évènements. En effet, en 1792, Percy et Marguerite sont normalement déjà mariés et l'affaire des Saint Cyr a eu lieu bien avant. La Baronne n'est pas toujours dans les clous de l'Histoire mais elle s'évite les ornières les plus flagrantes.
Il n'est pas question de soirées culturelles où nobles et membres du Comité du Salut Public se croisent en fronçant le sourcils.
Je comprends cependant l'attrait de raconter la rencontre entre Marguerite et Percy ainsi que d'alimenter un peu le personnage de Chauvelin.
Ce n'est pas rédhibitoire mais cela rend tout de même la menace pesant sur Percy et sa ligue plus légère ainsi que le problème de couple de Percy et Marguerite moins profond. En effet, lorsqu'elle est sensée le rencontrer il ne joue pas son rôle de dandy falot et la profonde cassure de leur mariage vient après quelques mois de bonheur. Marguerite voit l'homme qu'elle aime disparaître. Le fond de l'histoire du Mouron Rouge, c'est la nécessité que Percy a de maintenir sa façade en permanence à cause de la supposée trahison de sa femme. Ici, il lui a toujours menti sur sa personnalité. Cela enlève à notre couple principal une dimension un peu tragique et une fin plus jubilatoire.
Le plus invraisemblable est le sauvetage du jeune Louis (XVII) de sa prison du Temple. Cependant, c'est dans les romans, la Baronne ayant décidé screw history!
Je ne retiendrai donc pas cette uchronie contre le téléfilm qui embrasse son sujet avec ferveur.
La première invraisemblance est plus difficile à avaler car évitable très simplement.
La production est de belle qualité et on sent bien que tous les moyens ont été mis au service de ce récit romanesque à souhait aussi bien pour les décors naturels que pour les costumes.
La distribution est dominée par Jane Seymour en Marguerite Saint Just, rayonnante et impeccable et Ian McKellan parfait en Chauvelin amoureux transis et rancunier. Il est assez subtil néanmoins pour rendre son personnage pitoyable.
Je n'ai cependant pas été impressionnée par la prestation d'Anthony Andrews. C'est un bon acteur, il passe sans effort du héros téméraire, au dandy superficiel, à l'homme du peuple etc... Il est versatile et c'est ce que demande le rôle.
Il manque cependant de subtilité. En effet, si dans les moments les plus naturels de Sir Percy il est impeccable, son personnage de bouffon bouffi est trop marqué, le phrasé est maladroit et haché et il est trop clair que Sir Percy joue un rôle. Quant à ses déguisements, il en fait trop également.
Cela ne gâche pas la série mais cela gâche un peu le personnage pour moi (je suis fan de Sir Percy).
Je conseille néanmoins vivement cette version de qualité.