Vol avec escalier.
De Losey, je n’avais jusqu’alors vu que La Bête s’éveille qui était loin de me laisser un souvenir impérissable, et dans lequel on retrouve quelques éléments qui font de cet opus une version bien...
le 14 sept. 2015
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De Losey, je n’avais jusqu’alors vu que La Bête s’éveille qui était loin de me laisser un souvenir impérissable, et dans lequel on retrouve quelques éléments qui font de cet opus une version bien plus aboutie sur les relations de pouvoir, l’enfer pavé de bonnes intentions et la versatilité des individus.
The Servant est, dès son entrée en matière, un film sur le faux semblant, une sorte de carnavalesque qui aurait oublié d’en rire. La présentation des personnages sème d’emblée le doute sur l’origine sociale de chacun, et instaure une sape des statuts définis. Le récit, habilement mené dans sa progressive destruction, n’évite pas certaines simagrées et occasionne une débauche d’effets visuels qui ne sont pas toujours des plus subtils, mais qui fascinent assurément et reprennent en cela l’excès à l’œuvre dans les comportements étudiés. Effets d’anamorphose dans les miroirs sphériques, visages en gros plans, postures ostentatoires des couples sur la table ou le fauteuil désarticulent le flegme britannique et font des personnages des pantins outrés, se livrant à la débauche, la manipulation ou la servitude volontaire.
C’est surtout dans la gestion de l’espace que Losey investit le malaise qu’il veut conférer à sa mise en scène. Au centre de cette bâtisse qui matérialise la lutte des classes par la distribution des étages, l’escalier est l’enjeu de toutes les luttes. On ne cesse de le gravir ou d’y chuter, on s’y dispute, on y joue aussi, l’air de rien, pour tromper l’ennui ou enferrer sa proie.
Si le film fonctionne, c’est finalement dans sa capacité à rester opaque malgré l’évidence des renversements qu’il propose. Une lecture sociale ou crapuleuse ne suffit pas, et l’analyse homosexuelle n’est qu’un des pans envisageables, notamment grâce au rôle structurant des femmes dans les enjeux du récit. Le travail sur l’arrière-plan, l’appréhension kaléidoscopique d’une salle de restaurant ou les jeux de mouvements de caméra posent un regard insidieux et presque expressionniste qui dépasse les apparences guindées et les décapent au profit d’un malaise mêlé de plaisir… paradoxe évident dans cette descente aux enfers qui gravit les marches de la perversion.
(7.5/10)
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Créée
le 14 sept. 2015
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