Trashers
Film potentiellement traumatisant, autant prévenir d'emblée les futurs spectateurs. Même s'il est possible de le regarder avec une certaine distance (et même de rire de consternation malgré le...
le 15 janv. 2015
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Que faire de ça ?
Telle est la question. The Smell of us nous est présenté comme une œuvre, considérons la comme telle.
On y verra un film destructuré, destructeur, qui prend en charge dans sa forme la conduite même des personnages qu’il accompagne : ordalique, alcoolisée, camée, déflorée.
On y comprendra le « travail » opéré sur la thématique du regard, à travers ces poupées de cires, ces visages de statues, et l’obsession du voyeurisme par ce personnage muet de coryphée filmant toutes les scènes avec son portable.
On y notera le traitement de l’image, volontairement crade et punk, le jeu sur la laideur numérique où les corps s’effondrent (où l’on perçoit un écho avec la partie parlée de Ugly-Pretty de Christine & the Queens cf. la vidéo à 2'28) pour une esthétique à la fois documentaire et volée.
On prendra en compte cette tentative de capter sur le vif une jeunesse sans la juger, dans toutes ses contradictions, sa vigueur par le skate, sa liberté vénéneuse par une sexualité débridée qu’on croit pouvoir ou devoir pratiquer sans barrière pour affirmer sa liberté.
On subira, en contrepoint, celle des vieux qui tentent, grâce au fric, de reprendre contact avec cet élixir de jouvence, offrant leurs chairs flétries et leur rire carnassier, leurs bouches avides de pomper la jeunesse cynique et quasi consentante.
Alors ce serait ça : le profond dégoût dirait le tragique de la fuite du temps ? Les ravages d’une génération perdue, dissoute dans le fric trop facile et le sexe débridé ?
Non.
La forme chaotique ne dit pas uniquement, en forme de hurlement punk, que le chaos règne. Elle dit le bordel d’un tournage en forme d’expérimentation malsaine, elle dit la manipulation, elle suinte l’ambivalence de plans qui ne prennent nulle distance avec le regard d’un homme de 72 ans sur des sujets soumis à son bon vouloir. Certains sont allés jusqu’à saluer l’audace du réalisateur (dont c’est le premier film que je vois) qui représenterait sans fard sa part d’ombre, se mettant en danger, etc. Dans un roman, je veux bien. Mais avec des comédiens aussi juvéniles, c’est plus que dérangeant, il suffit de lire leur témoignages pour s’en convaincre. D’autant que le montage ne conduit à aucun propos, et fait des jeunes des complices davantage que des victimes, n’en déplaise à un suicide ou une scène de pleurs, un inceste terrifiant… Il ne suffit pas de tourner et regarder ce que ça donne, en détruisant un scénar au gré de délires voyeurs, déguisant le dilettantisme sous les oripeaux du film indé.
Alors non.
Sur les amours adolescentes sans idéalisation, on aura La vie d’Adèle, sur la destruction cynique postmoderne, Jeune et Jolie, Love Exposure, à la rigueur Palo Alto, leur rapport à la drogue, Candy, leur tentative de s’initier à l’amour, Elephant, Virgin Suicides, Naissance des pieuvres ou Trois souvenirs de ma jeunesse. Sur la pédophilie, on pourra prendre en compte les vaillantes tentatives d’Araki dans Mysterious Skin.
Ce sont à chaque fois des œuvres de fiction portées par un(e) cinéaste en empathie avec ses personnages et les comédiens qui les incarne, quitte à les bousculer comme le fit Kechiche. Mais c’est bien là la différence majeure avec ce projet dont les intentions avouées ne peuvent que se conclure sur un rejet radical.
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Créée
le 28 déc. 2015
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