Je vieillis, c’est inexorable et ça me bouffe un peu la vie à quelques mois d’une quarantaine d’année dont il semble que je vais avoir à subir la fameuse crise bien malgré moi. Non pas que j’envisage d’aller courir le jupon, mais plutôt un besoin de regarder ce et ceux qu’on a laissé derrière soit, de bon et surtout de mauvais. L’impression d’avoir atteint une apogée qui ne serait que le prélude d’une interminable descente vers une vie où tout ce qui arrive, de bon comme de mauvais, se vit de plein fouet avec la lucidité de la maturité et sans l’illusion que le mauvais pourrait être pire, ni que le bon pourrait être meilleur. Car, si la jeunesse se nourrit d’espoir et peut-être surtout d’illusions, la maturité se repait de déceptions et de regrets. C’est probablement ce qui me rend sensible à des films aussi bons que celui-ci, sur la fin du temps de l’innocence, sur cette charnière où on doit choisir entre une absence de contraintes qui mènera au bord du gouffre et une liberté surveillée qui sera une vie codifiée mais plus rassurante.

Sutter est probablement le mec le plus cool de son lycée, intelligent mais fumiste, drôle mais parfois clown triste, il mène une existence remplie de fêtes, d’alcool, de sexe avec son amie Cassidy et de notes catastrophiques qui hypothèquent un avenir qui aurait besoin d’un peu de stabilité. Une de ses nombreuses beuveries l’amène à cuver toute une nuit sur la pelouse d’Aimee, qui le découvre au matin avec un mal de tête mémorable. Aimee est pour lui une fille gentille, travailleuse mais pas de son univers, mais Sutter est intelligent et va commencer à se lier à elle, pour lui faire découvrir son univers, la faire sortir de chez elle et lui apprendre à profiter. Aimee va aussi influencer Sutter, un peu malgré elle et lui faire découvrir qu’il confond amour et désir, beauté et sex-appeal et surtout que non, il ne sera pas fatalement le fils de son père, ce pilier de bar, incapable de s’engager émotionnellement et totalement égoïste.

J’en ai encore des nœuds dans le ventre tant ce film m’a remué et fait découvrir à quel point l’horloge tourne beaucoup trop vite à mon goût. Tout est d’une justesse rare, qu’il s’agisse de l’histoire qui ne fait que suggérer sans jamais démontré, considérant que nous sommes un public intelligent capable de comprendre seul un amour naissant qui a ceci d’exceptionnel qu’il se veut tout à fait banal. Plus d’une fois, la nostalgie m’a pris à la gorge, ramenant des visages que j’au cru oubliés et qui m’ont donné envie de secouer Sutter quand il était sur le point de faire une erreur magistrale. James Ponsoldt a perçu ce qu’il peut y avoir de magique et de désenchanté dans le passage à l’âge adulte, cette douleur d’avoir l’impression de devoir naître une deuxième fois, de devoir abandonner encore un confort que l’on s’était fabriqué et auquel on venait juste de s’habituer. Il a compris à quel point il est douloureux de devoir abandonner cette vie d’inconscience où l’avenir n’est qu’une image floue sur laquelle on aura bien le temps de faire une mise au point, mais plus tard…

Sans avoir été populaire, je me suis identifié sans difficulté à Sutter, par ce côté insouciant qui refuse de grandir puisqu’il se dit « à quoi bon ? » Miles Teller est un superbe jeune adulte, sûr de lui et de sa popularité et qui garde bien au chaud ses douleurs qui pourraient laisser penser qu’il a quelque chose dans la tête. Son jeu est juste, tout en légères nuances, en touches pastelles qui obligent à être attentifs. Shailene Woodley en Aimee, à qui il donne la réplique, m’a fait revenir vint-sept ans en arrière (si seulement c’était vrai) et tomber fou d’amour. Elle est belle, touchante et pleine d’une douceur rassurante, celle qui réchauffe bref, j’ai vu en elle celle qui m’offre cela généreusement depuis presque quatorze ans. Que cette actrice continu ainsi et son avenir et radieux. Qu’elle continu à écouter ces chansons excellentes que l’on écouter pendant une heure trente, ces musiques intemporelles que l’on se passe tout d’abord pour faire genre, puis parce-qu’on les aime réellement.

Ce film est une leçon, il nous dit de ne jamais oublier que les regrets sont ce qu’il y a de plus douloureux, beaucoup plus que tous ces échecs que l’on connaitra parce-qu’à défaut de toujours réussir, on aura au moins essayé. The Spectacular Now rappelle à tous que, si l’adolescence est le temps des rêves de réussite sociale, culturelle ou professionnelle, ce moment du passage à l’âge adulte doit être compris comme l’instant où l’on se donne les moyens d’y parvenir. C’est douloureux parfois, souvent déprimant mais la satisfaction d’une vie d’être humain réussie est à ce prix. Mais quand une formidable histoire d’amour vous tiens la main dans les moments les plus difficiles, on continu parfois de se tromper et de chuter, mais les plaies guérissent plus vite.
Jambalaya
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le 17 janv. 2014

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Jambalaya

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