Le conservateur d’un muséum d’art contemporain va voir sa vie de CSP +++ remise en question en parallèle d’une exposition sur les inégalités et la tolérance. L’occasion pour le réalisateur de Snow Therapy de porter un regard se voulant d’une ironie grinçante sur le circuit fermé de l’art, des valeurs positives qu’il porte à leur mise en forme encore bien élitiste et à côté de la plaque. Ce qui aurait fait une caricature convenue en page douze d’un journal satirique s’étend ici sur 2h30 pour nous rappeler à quel point il est dur d’être tout beau et tout gentil dans la vie de tous les jours. Surtout dans un monde strictement binaire, composé exclusivement de clochards/migrants nécessiteux agressifs et menteurs ou d’esthètes dilettantes tout fragiles (conseil de visionnage : ces derniers se différencient des premiers en ce qu’ils ont un iPhone et roulent en tesla).
Si certains apprécieront ce trip nombriliste en se sentant probablement concerné, le scénario famélique tendant vers le film à sketch, l’absence de développement de ses personnages (à l’exception de Christian, notre héros malgré lui qui passe une grande partie du film à subir l’action), les scènes stylisées ne servant à rien pour l’intrigue (le palais royal, la performance de Terry Notary reprise pour l’affiche au film) et le vrai-faux happy end doux-amer comme un macaron aux barbituriques ont fait de cette expérience un grand moment de gène en 24 images/secondes.. Si j’aime – globalement – ses idées, surtout la campagne de pub virale où l’on instrumentalise une certaine iconographie de la diligence, l’exécution m’a fait amèrement regretter que les écrans de cinéma ne disposent pas encore de la touche avance rapide.
Et on en parle de son titre signifiant ? Prendre un motif récurrent c’est un choix de mise en scène difficile et respectable d’habitude, comme la spirale dans vertigo ou les plans ascendants de Fitzcarraldo, mais en l’occurrence on prend un carré (square). C’est bon, caser un carré dans un rectangle c’était pas trop dur ? Il y a bien un leitmotiv qui se dessine de poubelles en poubelles mais pas sûr qu’il soit voulu celui-là. Non parce qu’autant l’année prochaine je mets tchoupi va à la maternelle pour la palme d’or, la scène de coordination œil-main où la caméra tourne pendant qu’il fait un rond ça va saucer l’assistance…
Petit dans ses intentions (in)dignes d’un bac de philo, pédant dans son rythme lent à souhait, agaçant dans la répétition de son propos, navrant pour sa cohérence, l’espèce d’univers cotonneux de the square capte au moins le mélange de personnalités borderlines, conseils psychanalytiques douteux et subventions publiques qui fait vivre l’opaque milieu de l’art contemporain. Ça pointe du doigt nos petits défauts et notre absence de sexualité débridée, nous dit que l’homme est un singe pour l’homme et que l’art, faut pas forcément chercher à comprendre ; la prochaine fois fait un top 10 ça sera plus rapide. C’est un peu l’anti Moi, Daniel Blake dans le sens où ici tout sonne faux, facile et lent. Je conseille à peu près autant qu’une visite de Cigoland en période de grippe aviaire.
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