Ruben Östlund est un grand artiste d'une rare subtilité. Déjà avec Snow Therapy il poussait une réflexion très profonde sur le comportement humain et la relation aux autres. À partir de micro-évènements il tisse des portraits psychologiques passionnants.
The Square est une satire sociale qui s'immisce dans le milieu de l'art contemporain pour en extraire le sel de l'absurdité. Un monde complètement déphasé qui agit en décalage aux principes qu'elle se convainc de défendre. Christian est le représentant d'une Intelligentsia pétrie de contradictions. La situation de départ, un vol à la tire, le démunit de tout son être. Comme si plus que jamais notre société était devenue ultra-matérialiste. La vie de Christian semble alors tenir en trois objets (à la teneur symbolique forte); un porte-feuille porteur de l'identité, un téléphone garant de la relation au monde et des boutons de manchettes marqueurs d'un héritage et d'une place dans l'histoire.
The Square ravive les braises d'un humour essoufflé au cinéma. La qualité comique du film tient dans son dosage des effets. Que ce soit par des moments cocasses ou des situations profondément cyniques, il économise la sensation. Il désamorce la situation avant qu'elle ne soit franchement drôle ou prévisible. C'est certes parfois frustrant mais s'avère au final percutant. Une retenue extrêmement intelligente, un contraste parfait à notre époque pleine d’exubérance. Ce qui est remarquable c'est que Ruben Östlund nous fait rire de nos propres travers. En cela la Palme d'or est une consécration extraordinairement symbolique.
C'est l'intensité de la mise en scène qui transmet toute la profondeur du cynisme et de la satire de The Square. La justesse d'interprétation, la finesse d'écriture et la précision dans la mise en place des contextes sont d'une grande virtuosité.
Encore faut-il avoir l'esprit ouvert et Cartésien...