Quel film ! The Square choque, il embarrasse mais jamais gratuitement : Ruben Östlund en profite toujours, au passage, pour faire réfléchir ses spectateurs.
Dans ce film, Ruben Östlund se met en retrait, fait la critique de son propre monde et observe -en se moquant- la réaction des spectateurs. Certains rient, d'autres sont agacés : le film sur la performance qui divise est en lui-même une performance qui divise. Il faut évoquer ici bien sûr la séquence magistrale, où Oleg (Terry Notary) imite un grand singe et va jusqu'à agresser une jeune femme, sans que personne dans l'assistance n'ose bouger. Atteint-on ici la limite de l'art, la limite de ce qu'il est acceptable de montrer ? L'art doit-il être choquant pour faire réfléchir ?
Au delà du côté artistique, la performance questionne aussi notre humanité : jusqu'à quel point est-on prêt à ne rien faire par lâcheté ? La problématique de l'individualisme et du repli sur soi de la société bourgeoise est d'ailleurs un thème récurrent du film. Christian illustre parfaitement l'hypocrisie de cette sphère des "riches et puissants" conscients de leurs privilèges et enfermés dans leurs préjugés, tout en se proclamant ouverts sur le monde et tolérants. The Square est un sacré pied de nez au diktat de la bien-pensance, au soi-disant altruisme des milieux mondains qui ne sont en fait capables, à l'image de l'anti-héros Christian, que de regarder leur propre nombril.
Le film est férocement drôle, surtout dans les moments de gêne absolus. Il est peut-être un peu long (2h24 quand même) mais au vu des ses qualités évidentes, on lui pardonne bien ça.