Sans spoiler le film, il y a un passage vers le milieu du long-métrage qui vous met face à un choix : Faites-vous confiance dans les autres ou non ?
Selon moi, ça résume assez bien le film, son propos, ses réussites et aussi ses problèmes. Alors pourquoi avoir mis une photo extraite de la séquence du dîner sur l'affiche, vous vous demandez peut-être ? C'est une excellente question qui restera malheureusement sans réponse.
Mais de quoi parle ce film : il suit le personnage de Christian, directeur d'un musée d'art moderne et conceptuel, durant la préparation d'une exposition importante. Au cours d'une rencontre totalement fortuite et explosive en allant à son travail, il se fait voler son téléphone et son portefeuille, qu'il va essayer de récupérer.
Pas besoin d'aller plus loin. Évidemment, ça peut sembler très faible au premier abord, mais ce scénario prenant le partie de la mini-intrigue, l'histoire n'est qu'un prétexte à la mise en scène et au propos du film.
Propos qui est..................assez difficile à cerner et soumis à l'interprétation de chacun mais en gros, l'humanité est pourrie. Rien que ça.
Les mésaventures du protagoniste nous emmène donc vers une réflexion sur l'humain, ses travers et ses faiblesses ; et Ruben Östlund n'y vas pas avec le dos de la cuillère !
Le personnage de Christian peut sembler simple et convenu mais le tour de force est qu'il est représentatif de tout un pan de la société actuelle, que nous reconnaissons immédiatement et auquel il est très facile de s'identifier. Un homme divorcé qui aime ses enfants, qui travail dur, qui semble très agréable, poli, honnête, roule en électrique pour l'environnement ; qui a réussi dans sa vie et le montre, qui s'excuse devant un mendiant qui lui demande une pièce car il n'a pas de monnaie, qui reste discret sur ses conquêtes sexuelles, qui ne sait pas vraiment quoi faire en cas d'agression ou face à quelqu'un de fort...
Maintenant, vous qui me lisez comme moi, soyons honnête et admettons-le : nous nous reconnaissons tous un peu dans ce personnage, autant dans ses qualités que dans ses défauts. C'est là qu'est la force du film : arriver à toucher tout le monde par des personnages qui sont autant universels qu'ils sont uniques. "The Square", et ça se ressent tout au long du film, a l'intention de prendre à partie la société dans son ensemble. C'est réussit, mais ça nous emmène où ?
Eh bien ce film est une immense critique de la société. Tous semble y passé, de l'attitude des gens face à la pauvreté, à la caricature de personnes qui se veulent trop intelligentes pour s'intéresser aux choses simples, en passant le fossé social causé par l'argent. Prenons le cas des ces deux publicistes, chargé par le musée dont s'occupe Christian de promouvoir l'exposition à venir. Ils font un long discours sur l'essence de l'exposition, posent une grande réflexion sur ce discours et, finalement, livrent un concept qui est complètement tape à l’œil et en décalage avec la volonté de l'exposition. La vidéo fait scandale, mais au final les publicistes sont content car ils ont fait le buzz. Comment ne pas y voir une critique des médias actuels, souvent accuser de donner trop dans le spectacle.
Le réalisateur y vas à fond, quitte à grossir un peu le trait. Et c'est là l'un des principaux problèmes du film. Le trait est parfois tellement grossier qu'on a l'impression de voir une caricatures, un concept tel que le film les dénonce. En choisissant de donner à son œuvre un ton résolument figuratif et conceptuel, Östlund est un peu comme le serpent qui se mord la queue, pris à son propre piège. Prenons l'exemple de la fameuse scène du diner de gala ou l'assistance se retrouve face à un homme (l'excellentissime Terry Notary) qui représente la force animale. Cette séquence met en relief la faiblesse et la lâcheté des humains de la société actuelle face à la force brute. La séquence est excellente, certainement la meilleure du film, et s'intègre parfaitement au propos du film, mais elle sort de nulle part ! Rien dans ce qui précède n'amène à cette séquence, et une fois fini, la séquence ne laisse absolument aucun impact dans le film, comme si elle n'existait pas. Elle ne semble servir qu'à mettre en avant le concept du film ; et pour un film qui paraît déjà long de ses 2h22, cette séquence a un arrière goût de longueur amer. Cependant, selon moi, le vrai problème n'est pas là.
Je vais m'appuyer sur les dires d'un homme qui était à côté de moi pour sortir de la salle en fin de séance. Après avoir poussé un léger soupir, il a dit : "Ce film ne sert à rien". Commentaire sans aucun recul et rempli d'amertume ; mais je trouve qu'il y a une once de vérité là-dessous.
Permettez que je m'explique. Lorsqu'un spectateur voit un film, il est en droit de s'attendre à deux choses : se divertir et/ou le faire réfléchir sur un aspect qui fera de lui une meilleure personne. Pour le film qui nous occupe ici, on oublie le premier aspect, malgré quelques trop rare moments d'humour.
Nous avons à faire à un film intellectuel qui se lance dans une grande réflexion sur la société, et qui voit beaucoup trop large ! Comme je l'ai déjà précisé plus haut, tout semble y passé, la pauvreté, la faiblesse humaine, le mépris, le fossé sociétale, etc... Mais pour quoi ?!
En tant que spectateur, lorsqu'un film me pose un problème, surtout un problème d'importance comme c'est le cas ici, je ne m'attends pas à ce qu'il me livre une réponse toute cuite dans le bec, mais au moins une piste de réflexion qui va m'emmener là où le réalisateur veux me guider avec son discours. Mais ce film n'est qu'un exposer de faits qui ne propose pas de solution ! Et ce n'est pas comme dans "Seven" par exemple où à la fin il est impossible de dire qui du bien ou du mal à gagner, ce qui est le propos de David Fincher ; là ça me fait penser à cette situation que vous avez certainement déjà connu où votre professeur vous rend votre copie avec "C'est mauvais" et aucun autre commentaire !
Si seulement cette réflexion en suspend ne concernait qu'un aspect particulier, le spectateur pourrait se faire sa propre réflexion ; qui l'emmènerait peut-être un peu loin de ce que le réalisateur pensait, mais il serait au moins dans la bonne direction. Mais ici, il y a beaucoup trop de directions, beaucoup trop de réflexion en suspend... Si on me disait quelque chose comme "l'humain est foutu...", je suppose que ma réponse serait du genre : "Oui...Et ?... Tout ça pour dire quoi ? C'est quoi le but au bout de la réflexion ?". Au final, le film ne laisse qu'un vide qui n'est même pas comblé par la fin.
De ce fait, ce qui reste du film est sa négativité ; et de critique, il passe à irritant. De nouveau, cet aspect le fait ressembler aux caricatures d'intellectuels suffisants qu'il veut critiquer ; et l'arroseur s'arrose tout seul.
Ce qui ressort de mon avis est également assez négatif, et pourtant je trouve que le film n'est pas mauvais. Les réflexions qu'il propose sont très intéressante et le fait qu'il mette les pieds dans le plat n'est pas pour me déplaire. Mais c'est comme si le réalisateur voulait nous emmener quelque part et nous laissait sur le bord de la route après nous avoir pris la tête tout le trajet. Ce qu'il faut retenir, c'est que je conseil malgré tout de voir "The Square" pour ses réflexions ; mais qu'il aurait largement gagner à avoir 25 minutes de moins, une structure plus simple et une fin plus conventionnelle.