On est d'accord pour dire que la palme d'Or, ça tiens un peu de l'étiquette de vin avec écrit "ce vin à été primé par l'association des viticulteurs de bourgognes" et ça t'indique pas vraiment ce que tu vas avoir dans ton verre. Parfois les films qui ont gagnés sont des films cultes (Taxi Driver, Apocalypse Now, Pulp Fiction) parfois des films sans intérêts qu'on a oublié avoir vu (L'Anguille, Rosetta, La Chambre du fils, Oncle Boonmee, ) et parfois on se dit "ha tiens, il l'a eu ce film, c'est vrai..." (Dumbo, Le Monde du Silence, M*A*S*H*, Dancer in the Dark, Fareinheit 9/11 ) Bref, ça n'est pas forcément un gage de qualité (mais ça m'a permis de voir que j'ai vu 16 films primés à Cannes dans ma vie. Un seul est dans mes films préféré.)
Du coup, le seul truc qu'on savait sur The Square, Palme d'Or de l'an dernier, c'est que ça parlait d'art moderne. Et déjà, un bon point, c'est que ça en parle, de façon drôle. Entre les murs bétonnés et très stricts (quiconque est allé dans un FRAC ou au Lieu Unique à Nantes sait de quoi je parle) se trouvent des oeuvres parfois incompréhensible que les gens regardent d'un oeil distrait. Ça sent le vécu à plein nez : Entre les discours devant des donateurs vieillissant, les discussions pour savoir comment présenter une oeuvre au public, la performance sensée choquer qui fout plus le malaise qu'autre chose, le film porte un regard mi-amusé, mi-narquois sur cet univers qui semble avoir perdu tout sens. (Un critique de ce site trouvait que le personnage principal était un type qui dirigeait un musée comme une entreprise et c'est vrai que cette critique est viable.)
Mais surtout, The Square est un film qui se moque de nos doubles discours. Alors qu'il présente une oeuvre d'art moderne censée mettre en valeur l'altruisme et la confiance entre les gens, le personnage principal, Christian, se retrouve le nez collé à ses contrariétés. Il se veut humaniste mais lorsqu'on lui vole son portefeuille, il décide d'emmerder tout un HLM pour le retrouver. Il se dit ouvert mais est totalement coincé et vieux jeu au lit. Il se dit inquiété par les sujets de société mais à du mal avec les SDF (ceux-ci lui rendent bien) et va se sentir agressé par un gamin rom.
Ce que j'ai aimé dans ce film, c'est qu'il sait être drôle : le film aligne les situations stupides provoqués par les fausses bonnes idées des personnages ou les situations un peu ridicules où l'ambiance est en complet décalage avec la bonne parole (à l'image de cette discussion tendue entre le héros et son flirt alors qu'autour une installation sonore multiplie les bruits cacophonique, ou cette confèrence qui continue alors que dans le public, un malade atteint du syndrome de la Tourette multiplie les cris et les insultes génantes.) Alors, ok, il est dans une temporalité longue avec pas mal de plans fixes, de silence, mais ça installe le climat. Souvent cassé net par Ruben Ostlund sur le montage.
Alors, par contre, l'intrigue tourne en partie autour d'une vidéo YouTube censée faire le buzzz autour du musée et, évidemment, ça m'a fait sourire parce que c'était sympa mais... en deça de la réalité. Déjà, vu les vidéos qui tournent sur YouTube, celle-ci aurait été postée dans l'indifférence la plus totale. Ensuite, parce que le personnage reçoit un coup de fil de YouTube parce que sa vidéo à fait 300 000 vues en quelques heures. C'est mignon, mais je suis bien placé pour savoir que pour YouTube, c'est rien. (Ou alors en Suède 300 000 vue c'est énorme, mais même ça, j'en doute.) Mais bon, pour une fois qu'un film réussi à se rapprocher de la réalité en ce qui concerne les vidéos sur le net, je vais pas trop gueuler.
Du coup, je recommande The Square, même si je l'avoue, j'ai kiffé parce que c'est tout à fait mon genre de cinéma : faire du comique à froid, parler d'art sans être chiant, ironiser sur les personnages.
PS : L'attribution de la Palme d'Or à ce film fut disputé parce que "120 battements par minutes" le méritait mieux selon certains. Peut-être. Maintenant que ce film à eu droit au César, je pense que la polémique est finie.