The Theatre Bizarre c'est quoi ? C'est tout d'abord un film à sketchs composé de 7 segments puisqu'il ne faut pas oublier Theatre Guignol servant d'interlude entre les différents courts et qui raconte lui aussi une histoire à part entière. C'est donc une anthologie de l'horreur, rappelant les plus belles heures des Contes de la Crypte ou de la série des Creepshow, laissant une liberté de ton totale à ses réalisateurs pour imprimer sur pellicules leurs délires visuels.
Car The Theatre Bizarre est également une production farouchement indépendante (Severin films côté américain, Metaluna pour la France) qui a su tirer le meilleur de ce genre de financement – créativité, expérimentation, absence de contrainte – en évitant les écueils du cheap ou de la facilité scénaristique. Le film est alors surtout une œuvre sincère, certes inégale au vu de la diversité des courts proposés, mais où dans chacun de ceux-ci transpire l'amour d'un cinéma fantastique à l'ancienne, dans le meilleur sens du terme.
The Mother of Toads de Richard Stanley
Richards Stanley, à qui l'on doit Hardware, s'est penché sur les mythes ésotériques en lorgnant du côté de Lovecraft avec cette histoire de couple d'américains en vacances dans les Pyrénées qui se retrouvent face à une créature aussi ancienne que dangereuse.
Probablement le segment le plus connoté série B, dont les influences des films de monstres des 50's se ressent fortement, Stanley joue à la fois la carte de l'humour – Catriona MacCol parodiant l'accent frenchie est excellente – tout en réussissant à distiller une ambiance assez glauque : forêt étouffante, course dans la nuit, crapauds peu ragoûtants, etc. Un bel hommage singulier.
I Love You de Buddy Giovinazzo
Ce huis-clos dans un appartement berlinois sur un couple qui se sépare est le second morceau présenté. Surprenant dans sa forme puisque ne touchant pas à l'horreur à proprement parler sauf dans son twist final, Giovinazzo rend avec beaucoup de justesse (les acteurs n'y sont pas étrangers) la fin d'une vie commune, entre tendresse et cruauté. Alors que lui confère à sa femme un amour approchant le délire psychotique, elle incarne à l'inverse une épouse dénuée de toute compassion. Après avoir trompé son mari pendant des années, elle décide avant de le quitter de lui avouer toute la vérité pour le moins crument. Des flash-backs plutôt drôles nous restituent ses mensonges éhontés et le final que l'on attend pourtant parvient même à nous surprendre.
Wet Dreams de Tom Savini
Tom Savini, réalisateur de La nuit des morts-vivants le remake du film éponyme de Romero, a énormément travaillé avec ce dernier aux effets spéciaux et au maquillage. S'il s'est fait connaitre grâce à ses talents d'artisan, c'est aussi sa « gueule » qui, de Maniac à Machete, lui a valu un paquet de seconds rôles et d'apparitions diverses.
Et ce sont justement les effets spéciaux qui font toute la saveur de Wet Dreams. Le scénario assez incompréhensible mêlant rêves et réalité, sur fond là encore d'infidélité mais masculine cette fois, semble n'être qu'un prétexte pour placer des pénis en latex un peu partout (omelette, bocal de formol, etc.) et pour nous donner à voir un festival de gore jouissif dans la pure tradition des 70's. Du second degré, du fun, des effets au top. Que demander de plus ?
The Accident de Douglas Buck
Ce segment se démarque totalement des autres par sa poésie et sa gravité. Douglas Buck (Family Portraits) suit une petite fille confrontée à un violent accident de la route qui s'interroge sur la mort. Entrecoupées de scènes où elle discute avec sa mère, des flash-back nous replacent sur le lieu du drame, toujours à hauteur d'enfant et l'on se retrouve dérouté par ses questions simples qui n'ont au final aucune réponse. La fin justifiera la présence du métrage dans The Theatre Bizarre mais toujours en gardant ce ton aérien. Très joliment écrit et réalisé.
Visions Stain de Karim Hussain
Il y a quelques parties du corps particulièrement efficaces pour faire frémir dans le cinéma horrifique : les dents, les ongles et les yeux. Hussain l'a bien compris puisque ses séquences de perforations oculaires et autres énucléations sont assez éprouvantes. Remarqué pour avoir signé la photo de Hobo with a Shotgun, le réalisateur retrace l'itinéraire d'une jeune femme ayant la capacité étrange d'extraire physiquement les souvenirs visuels des gens avant leur mort pour ensuite se les injecter. Même si esthétiquement ce segment est extrêmement soigné, niveau scénario il s'enferre dans une réflexion sur l'humain un peu légère.
Sweets de David Gregory
Dernier court et sûrement celui qui s'inscrit le mieux dans la thématique de The Theatre Bizarre par sa construction baroque et grand guignolesque. Difficile de le résumer tant il ne ne construit pas sur un mode narratif classique, on y croisera un homme et une femme également en train de se séparer, fétichistes des sucreries, avant qu'elle ne révèle son goût pour d'autres plats. Quelque part entre le gothique italien, les expérimentations lynchiennes et le trash de certaines productions nippones, ce court est inclassable. Coloré, lumineux, imprévisible : une vraie bonne surprise.
Theatre Guignol de Jeremy Kasten
Structurant l'ensemble, le segment de Kaster introduit chaque métrage dans un ancien cinéma devenu le lieu d'une représentation singulière sous la houlette d'un maître de cérémonie interprété par le mythique vampire Udo Kier. Loin d'être limité à un simple rôle transitif, le court présente un univers inquiétant (poupées désarticulées et abimée, pantins mécaniques, etc.) qui nous permet de nous immerger sans difficulté dans les différentes ambiances tout en proposant une fable imagée sur les histoires et ses conteurs.
En effet, The Theatre Bizarre ne fonctionne finalement que parce qu'il a saisi l'essentiel : le cinéma, quel qu'il soit, doit servir à raconter des histoires. A créer un monde à part, à faire travailler l'imagination, à nous emporter ailleurs. Pari réussi avec cette anthologie qui ravira les fans du genre et séduira les plus curieux.