La belle dystopie

The Truman Show est étrange, que ce soit le concept, la façon dont celui-ci est exploité, sa mise en scène, tout, trouble, déstabilise. On se met à regarder dans les coins de son salon histoire d'être sûr qu'une caméra ne vous filmerait pas à votre insu.

Le plus troublant, c'est que vingt ans après The Truman Show, on se rend compte que ce film avait tout prévu. Je ne suis pas très film d’anticipation, ou simplement, je n'en ai jamais vu beaucoup. Mais à chaque fois, j'avais l'impression de me retrouver face à quelque chose de trop abstrait. Même des livres comme Le Meilleur des Mondes ou 1984, ça avait beau anticiper une partie de notre société actuelle, j'ai encore du mal à croire tout ce que ces livres me racontent.

Tout ce que ce film raconte, est vrai, et c'est pour ça qu'il me trouble. La télé-réalité, voilà ce qu'est le Truman Show. Un mec dans un cadre, observé, adulé, aimé. Ça me rappelle ces émissions débiles comme Secret Story ou Les Anges de la télé-réalité. A le seule différence qu'ici, la star ne sait pas qu'elle est observée par le monde entier, elle ne sait pas que sa vie est écrite, tracée, tel un feuilleton. Ses peurs, ses convictions, même ses relations, tout est écrit, contrôlé par un seul homme, le réalisateur.

The Truman Show, c'est peut-être la mise en abîme la plus folle que j'ai pu voir dans un film. Et si la réalité, était le cinéma d'aujourd'hui ? Si, tout ce que vous croyez, votre vie, était devenu le sujet de distraction de la population mondiale. L'homme d'aujourd'hui se nourri de la vie des autres, se nourri de vlogs sur Youtube, d'émissions de télé-réalité où on s’immisce dans la vie d'autrui.

Et si, à un moment, vous compreniez tout ça, que votre vie n'est que spectacle et distraction, où on vous empêche de vous rendre à tel endroit car vous pourriez découvrir la réalité. Ce qu'il y a de fou avec cet univers dépeint par The Truman Show, c'est à quel point cette mécanique télévisuelle est parfaite. Où tout est calculé pour que Truman ne découvre pas la vérité, allant jusqu'à lui créer la phobie de l'eau en noyant son père (qui n'est même pas son vrai père). C'est terrifiant ! Un autre truc terrifiant, c'est cette proximité entre Truman et ses spectateur. Eux qui connaissent tout de sa vie, et pourtant, on coupe la caméra quand celui-ci couche avec sa femme, comme si, juste à ce moment, on faisait preuve de bienséance. Hypocrites va !

Encore une anticipation de génie, le film nous dit même comment un spectacle tel que The Truman Show est financé, par le placement de produit, chose désormais omniprésente sur internet ou à la télé, ou partout.

Comme par hasard, le réalisateur s'installe dans la lune du monde de Truman, lieu où il peut observer tout, et où, il peut se prendre pour Dieu. Contrôler la pluie, parler aux gens, observer tout les recoins de la vie de Truman, un homme omniscient.

Je me rend compte à quel point The Truman Show m'a horrifié, son univers, le comportement des spectateurs, la toute puissance du réalisateur et le comportement de Truman lorsqu'il se rend compte que quelque chose cloche. Un réalisateur d'ailleurs persuadé qu'il connaît Truman par cœur, alors que celui-ci lui répondra sèchement « il n'y a pas de caméra dans ma tête ». On peut dicter la vie d'un homme, lui créer un monde entier pour lui, voir toute sa vie devant un écran, on ne connaîtra jamais le fond de sa pensée.

Et pourtant, aussi cruel et terrifiant qu'est ce film, il est également d'une beauté rare. Tout est beau dans The Truman Show, les rues sont propres, on nettoie la ville des clochards, l'île est paradisiaque, les gens souriants, la radio ne donne que de bonnes nouvelles, on trouve l'amour très facilement. La mise en scène y est aussi pour quelque chose parce que visuellement, le film est beau. Ses couleurs sont vives, la musique est magnifique, certains plans sont bluffants (notamment vers la fin), et les personnages sont tout le temps souriants.

J'ai rigolé devant The Truman Show, face à un Jim Carrey excédé et paumé, ne sachant plus où aller. C'est probablement sa meilleure prestation d'ailleurs. Mais comme je l'ai beaucoup répété, j'ai également été terrifié par ce monde qui ne tourne que sur un seul homme. Et puis j'ai été ému, parce que Truman est incroyablement touchant, gentil, comme les spectateurs qui l'observent à la télé, on l'aime et ne désir que le meilleur pour lui.

Mais là encore, dernier coup de génie du film, c'est sa phrase finale. Bordel, celle-là, je m'y attendais pas, c'est la réplique qui m'a convaincu que The Truman Show est un chef d’œuvre, une discussion entre deux spectateur : « y a autre chose ? Où est le programme ? ». Alors c'est donc ça, l’intérêt qu'on porte aux gens ? Une fois que ceux-ci on finit leur histoire, on les oublie dans la minute qui suit ? A ce moment-là, je suis resté bloqué une minute, j'étais sur le point de me lever pour reprendre le disque, quand j'ai entendu cette phrase finale, qui m'a laissé sur le cul. A ce moment-là, j'ai compris à quel point, The Truman Show, était un film important.

Je le pense vraiment, mais je crois que j'ai rarement vu un film aussi beau, et aussi émouvant que The Truman Show, c'est un film qui me travail l'esprit depuis que je l'ai fini. Jim Carrey n'a jamais été aussi bon, et c'est sans équivoque qu'il s'agit de son meilleur film. Je n'aurai qu'une chose à dire : « au cas où on ne se reverrait pas d'ici là, bonne soirée et une excellente nuit ».