La chose venue d'une autre forêt

Encore sonné par la claque que fut son premier visionnage du "Projet Blair Witch" en VHS par une nuit d'orage mémorable, le petit RedArrow mourrait d'envie de retourner se faire peur dans les bois à travers un écran.

Féru des magazines consacrés au cinéma de genre de l'époque, il ne cessait de croiser à l'intérieur de leurs pages la publicité pour ce "The Unknown: Origine Inconnue", promettant de façon aguicheuse un film dans la droite lignée de celui d'Eduardo Sánchez & Daniel Myrick.

Évidemment, encore tout innocent qu'il était des taglines promotionnelles souvent trompeuses, le petit bonhomme aurait donné n'importe quoi pour avoir une nouvelle potentielle dose de peur forestière à visionner entre ses mains.

Mais ce ne fut hélas pas le cas et l'affreuse jaquette de ce DTV mystérieux se perdit peu à peu dans les limbes de sa mémoire au fil des années... Jusqu'à ce qu'un beau jour, sa version adulte retrouve par hasard le DVD du film enfoui dans un étal blindé de pelloches d'horreur/épouvante en tout genre à bas prix. Incapable de résister aux cris de joie de l'enfant soudainement réveillé par la vision de cette jaquette, le grand RedArrow céda à ce caprice venu du passé au prix de quelques euros et se lança peu de temps après dans le visionnage de "Det Okända" (titre original) pour vérifier si cette production nordique oubliée par tous avait bien eu raison de capter l'attention de son mini-lui.

Partis examiner et classifier les restes d'une forêt ravagée par un incendie, de jeunes scientifiques tombent sur une "chose" qu'ils ne parviennent pas à identifier. Bientôt, l'une des leurs se met à développer d'étranges symptômes...

Bien sûr, le simple postulat de jeunes adultes isolés dans les bois au sein d'une production low budget avait suffit à rapprocher "The Unknown" du "Projet Blair Witch" pour en faire un argument de vente racoleur mais la comparaison s'arrête là. Le film de Michael Hjorth ne rentre d'abord nullement dans la catégorie des found footages en optant pour un point de vue bâtard avec le cinéma conventionnel où, si la caméra paraît bel et bien en mode "embarqué" par ses secousses perpétuelles, elle est ici complètement omnisciente, nous plaçant dans le rôle d'un voyeur/intrus au plus près des évènements vécus par les protagonistes (dans la même lignée qu'un "Chroniques de Tchernobyl" par exemple). De plus, sa thématique le range bien plus du côté d'un hommage explicite à "The Thing" en environnement sylvestre que d'une randonnée fatale sur les traces d'une fameuse sorcière.

Cette comparaison facile évacuée, est-ce que "The Unknown" a eu raison de titiller la curiosité d'un petit garçon avide de terreurs primaires en forêt ? Eh bien, la réponse est étonnamment oui !

Bien entendu, l'adulte qu'il est devenu aura eu du mal à adhérer à la qualité DV vraiment très laide de l'image (ayant bien mal vieillie qui plus est), à certains comportements aberrants des personnages (manipuler un bidule inconnu sans gants, vous avez étudié la science où, les gars ??) ou à quelques grosses couleuvres scénaristiques à avaler pour maintenir à tout prix le petit groupe au sein de leur campement, mais il aura été aussi agréablement surpris par l'ambiance anxiogène efficace et intelligemment installée par l'intermédiaire de la première victime, avec la complicité cruelle d'une caméra nous livrant les clés de l'horreur viscérale du mal qu'elle est en train de subir et, pire que tout, avoir conscience.

Particulièrement bien troussée tout en restant dans la constante suggestion (le manque de moyens peut parfois être une vraie plus-value), la montée en puissance de la première moitié du film, où les interrogations sur la nature des évènements enferme progressivement ses héros dans une bulle de pure paranoïa, sera clairement la phase la plus forte et imparable du long-métrage, nous imprégnant avec aisance de leur détresse totale face à l'abstraction totale de l'inconnue dont ils sont victimes.

Moins surprenant dans sa seconde partie, notamment par la résonance attendue (et basique) qu'à la propagation du mal face à la gangrène de secrets intimes trop longtemps tus, "The Unknown" n'en demeurera pas moins habité d'une tension plutôt habile jusqu'à son terme, privilégiant la croissance inarrêtable de l'ombre aspirant un à un ses personnages à l'instar du feu de forêt ayant (quasiment) tout dévoré de la nature qui les entoure sur son passage.

Main dans la main et sautillant gaiement, le RedArrow adulte et sa jeune version ressortent donc aujourd'hui sur la même longueur d'onde après la découverte de "The Unkown". Alors, certes, le film aura parfois eu un peu plus de mal à séduire pleinement le premier à cause de ressorts devenus plus ou moins prévisibles avec l'accumulation de visionnages d'autres films partageant un postulat similaire mais ses indéniables qualités auront eu le mérite d'emporter la mise sur sa globalité et, surtout, de satisfaire les yeux du grand enfant réveillés par le souvenir d'un DVD qui lui faisait tant envie. Le petit RedArrow avait raison, "The Unknown" aurait gagné à être un peu plus connu.