"Three Minutes: A Lengthening" de Bianca Stigter est bien plus qu’un simple documentaire sur le cinéma. C’est une méditation poétique sur la mémoire, la perte et la puissance des images. À travers ce film, Stigter nous offre un aperçu poignant d’un monde perdu, tout en explorant combien il est possible d’apprendre à partir d’un fragment de film aussi bref. Le documentaire se déroule comme un petit miracle : une œuvre de poésie, de puissance et de grâce méditative, qui parvient à capturer le passage du temps tout en rendant hommage aux vies disparues.
Le film ne se contente pas de contenir le temps : il le décompose, le manipule et l’élargit, offrant une réflexion éloquente sur la nature éphémère et entropique du médium cinématographique. À travers un processus créatif et presque médico-légal, mais jamais sentimental, Stigter travaille à partir d’une copie numérisée du film original, portant les traces du temps sur la pellicule détériorée, et réalise exactement ce qu’elle annonce dans le sous-titre : un élargissement.
Le documentaire de Stigter s’apparente à une enquête philosophique complexe, un instantané mémorial et un récit dévastateur des atrocités nazies. Bien plus qu'un documentaire sur l’Holocauste, "Three Minutes" est un drame d’investigation, une méditation sur l’éthique des images animées et une histoire de fantômes sur des personnes qui pourraient être oubliées si nous ne prenions pas ces images au sérieux.
Visuellement, le film joue avec le matériau d’origine : il avance, recule, fige, se décompose en filtres, se recompose comme des cartes à jouer. Mais Stigter s’engage pleinement dans cette démarche formaliste audacieuse — et le pari en vaut la peine. Même si le film se montre parfois sombre, il reste souvent d’une poésie désabusée et saisissante.
Au-delà des aspects formels, "Three Minutes" est un hommage vibrant à David Kurtz et à son grand-père, l'homme derrière la caméra dont les quelques minutes de film tournées en 1938 sont devenues une réponse puissante à ceux qui cherchaient à effacer l’existence de ces personnes. Le film se conclut par une contemplation de son paradoxe central : « L’absence dans la présence », une réflexion qui révèle l’importance de préserver les images filmées autant que l’histoire elle-même.
Même si, à 71 minutes, certaines parties du film semblent étirées, le documentaire conserve une grande partie de la puissance émotionnelle et intellectuelle du concept de Kurtz. "Three Minutes: A Lengthening" reste une œuvre incontournable, captivante de bout en bout, qui nous rappelle la valeur miraculeuse de l’image animée et la nécessité de ne jamais sous-estimer le pouvoir de ces fragments de mémoire filmée.