Le loser est une aubaine pour le comédien : il suppose une prise de risque, une acuité psychologique d’une grande finesse, et, finalement, un double jeu. Jouer le héros digne d’admiration est à la portée de n’importe quel individu déterminé à travailler son masque social, tandis qu’incarner un perdant suppose la capacité à percer à jour la comédie d’un médiocre qui croit pouvoir faire illusion.


La saveur sera donc à double détente, et partagée par le spectateur qui jubile face à la finesse au service d’une dénonciation souvent doublée d’une réelle empathie pour ces incompétents qui tentent tout de même de faire bonne figure. Les frères Coen excellent sur ce registre, qu’on pense au personnage de Jerry dans Fargo, entre tant d’exemples possibles ; mais ce personnage de flic qui veut donner l'illusion de gérer la situation renvoie surtout à la splendide composition de Tim Robbins dans le Short Cuts d'Altman.


Jim Cummings a parfaitement conscience de ce défi, lui qui porte à bout de bras ce premier long métrage adapté de son propre court, à savoir le fameux plan séquence d’ouverture sur son éloge funèbre qui se voudrait d’anthologie. La formule finale avant le générique, « Written, Directect and Performed by Jim Cummings » n’a rien d’innocent : tout son film se présente comme une performance, et c’est bien là sa limite.


Il faut le reconnaître d’emblée : le jeu est talentueux et la partition d’un large spectre. Son policier à moustache ultra borderline, capable de dérailler vocalement vers les larmes avant d’exploser de rage ou de tenter la maitrise typiquement américaine, à grands renforts de phrases toutes faites (type «That means a lot » ) fait mouche et sonne paradoxalement, en dépit de ses excès, assez juste dans sa fragilité. Cummings tient un personnage, et n’a pas voulu le lâcher tant il a été apprécié dans son court métrage, lui brodant un nouvel écrin plus large, mais qui vire rapidement à une succession de sketches voulant égaler le morceau de bravoure initial.


Le malaise ne se ressent donc pas tant face au personnage qu’au dispositif général : imaginer une succession d’avanies susceptibles de mener à bout notre pauvre type. La fille, l’ex-femme, la sœur, le patron, le juge, tout y passe, dans cette petite capsule sadique étouffante au sein de laquelle l’auteur-réalisateur-performer s’apitoie, se contemple s’autocongratule. A l’exception d’un personnage intéressant, celui du collègue noir qui ne désespère pas de lui venir en aide, le reste de l’univers n’est qu’une conjuration, une série de fonctions scénaristiques dont on cerne de plus en plus les artifices.


On aurait pu s’en accommoder si la direction prise par le récit dans son dernier pan ne reprenait d’une manière aussi grossière les rails de la convention. Un événement mal amené qui arrange tout le monde, un personnage qui s’offre une rédemption un peu sortie de nulle part, et c’est le retour en mode tsunami de ces faux films indépendants qui nous présentent du sans fard en prologue pour mieux nous impose un faciès maquillé à la truelle, anxieux qu’ils sont de déroger à la sainte loi d’un dénouement sur l’accomplissement moral. Et la performance de révéler sa vraie nature, dans un beau sourire plein de larmes qui achève de faire de notre protagoniste un héros à la gloire de son interprète.

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le 13 févr. 2019

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Sergent_Pepper

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