La moire de mon père
« On a pas la même mémoire, mais on a la même histoire », expliquait Omar Sy avant la projection de ce film qui lui tient particulièrement à cœur, et dont il est le producteur en même temps que...
le 4 janv. 2023
40 j'aime
10
« On a pas la même mémoire, mais on a la même histoire », expliquait Omar Sy avant la projection de ce film qui lui tient particulièrement à cœur, et dont il est le producteur en même temps que l’interprète principal. Tirailleurs prend ainsi le point de vue des recrues africaines durant la première guerre mondiale, ces populations de second plan, mais le plus souvent dans les premières lignes, auxquelles il était temps de rendre l’hommage qui leur est dû.
La première partie prend ainsi racine au Sénégal, pour présenter une identité et une culture qui seront tant ignorées par la suite. Filmé en langue peule, le récit inverse ainsi la présentation traditionnelle et présente une autre guerre, celle du rapt pur et simple des hommes en âge de combattre pour venir alimenter la chair en canon de la métropole. Le point de vue ainsi implanté permet de présenter l’arrivée au front selon des exilés, pour qui l’absurdité ne se résume pas au principe même de la guerre, mais à toute une culture, une hiérarchie et à la prise de conscience d’être considéré comme un bétail sacrifiable.
En contre-point, il sera donc essentiel, selon Vadepied, de souligner l’héroïsme de ces protagonistes laissés dans l’ombre. Omar Sy incarne ainsi le père d’une recrue, qui le suit pour assurer sa protection, tandis que les congénères investissent la zone de combat pour aller chercher le corps d’un des leurs. Si le récit parvient à traiter d’un point crucial à travers l’assimilation du fils qui rejoint la hiérarchie et en vient à donner des ordres à un père dépossédé de sa fonction, le reste du film ne lâche jamais cet angle académique de l’héroïsme en temps de guerre, et sacrifie à bien des poncifs du genre.
On comprend bien le parti-pris, dans la mesure où l’objectif est de parler au plus grand nombre : réécrit de nombreuses fois sur près d’une décennie, le scénario a fini par faire d’Omar Sy le père du rôle initialement prévu pour lui, tant il était crucial qu’un comédien aussi plébiscité reste à l’affiche pour assurer la résonnance nécessaire à un tel projet. Il en ira de même pour les scènes de bataille, la tension autour de prise stratégique de colline ou le pathétique sacrificiel de la conclusion : en convoquant les invariants du genre, Vadepied fait les concessions qu’il juge nécessaires pour éviter le tract politique et rester diffusable au sein de l’Éducation Nationale. On ne pourra pas vraiment lui reprocher d’éviter les accès de rage pour tenter de construire un hommage digne, qui reste néanmoins un peu trop sage et scolaire.
(5.5/10)
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Guerre, père, racisme, Rumeurs Cannes 2022 et Vu en 2022
Créée
le 4 janv. 2023
Critique lue 3.9K fois
40 j'aime
10 commentaires
D'autres avis sur Tirailleurs
« On a pas la même mémoire, mais on a la même histoire », expliquait Omar Sy avant la projection de ce film qui lui tient particulièrement à cœur, et dont il est le producteur en même temps que...
le 4 janv. 2023
40 j'aime
10
Ce film ne réécrit absolument pas l’histoire et n’est même pas un peu militant. Il nous dit juste de ne pas oublier les africains qui sont morts pour la France. Donc ceux qui mettent des 1 ou des 2...
Par
le 7 janv. 2023
27 j'aime
11
Alors ce film mis à part la polémique suscitée depuis quelques jours , ne donnait pas envie d'aller le voir, mais c'est objectivement que j'y suis allé.J'ai donc payé ma place 12 euros pour m'ennuyer...
le 4 janv. 2023
22 j'aime
19
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
773 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
714 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
616 j'aime
53