Jungle intime
Initialement très curieux de découvrir ce long-métrage (le premier de sa réalisatrice), je me suis trouvé désarçonné par certains de ses choix narratifs tout en étant charmé par les qualités qui s'en...
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le 19 juil. 2022
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Sorti cet été dans les salles, To Kill the Beast est le premier long-métrage de la réalisatrice argentine Agustina San Martin. L'histoire d'une jeune femme à la recherche de son frère disparu. Un conte sensuel, entre quête de soi et plongée dans la jungle tropicale.
Un film sensitif
To Kill the Beast est d’abord une expérience sensitive. En premier lieu celle que nous impose le décor. La jungle sud-américaine et son lot de bruissements, de nuances de verts, d’entrelacements impénétrables. Cet univers opaque qui vient nourrir chez les habitants des peurs ancestrales. Ainsi, lorsqu'Emilia débarque dans l'hôtel tenu par sa tante, à la frontière de l'Argentine et du Brésil, elle découvre que les locaux craignent une bête monstrueuse ; un animal mystérieux qui hante les nuits de ses hurlements. Nous voici plongés dans l’Amazonie mystique, celle du « réalisme magique » déjà présente dans d’autres films, Tel Clara Sola cette année. Mais le décor ne serait rien sans le travail d’Agustina San Martin sur la photo. De nombreux plans fonctionnent comme un tableau et certaines scènes relèvent même de l'énigme visuelle.
Un entre-deux indéchiffrable
L’écriture cinématographique de la réalisatrice est à l’image de cette jungle indéchiffrable. La narration est morcelée, souvent elliptique -un peu à la manière d'Apichatpong Weerasethakul - laissant hors-champ l'explicitation des personnages. Emilia est à la recherche de son frère mais on ne saura rien d’elle, ni de lui d’ailleurs. Pas plus que de la raison pour laquelle ils s’étaient perdus de vue, ni du pourquoi de sa disparition à lui. Ainsi, le film joue avec les frontières du sensible et de l'inintelligible. On entend les hurlements de la bête, la nuit, mais on ignore ce que c'est. Emilia tait quelque chose de son passé, mais quoi ? On reste dans cet entre-deux, à la lisière de l’indicible et tout près d'une frontière qu’Emilia n’ose franchir. Parce qu'elle craint de découvrir que son frère est mort ? Autre chose ? Le film navigue ainsi entre mensonge et vérité, entre désirs réprimés ou assumés.
S’affirmer en dépit du regard des autres
L’histoire de la bête comme celle du frère disparu n'escamotent jamais le véritable sujet du film : l’affirmation d’un désir. Lorsque la belle Julieth arrive à son tour dans l'hôtel, Emilia est vite troublée puis attirée par la sensualité de cette femme à la peau d'ébène. On comprend également qu'elle devra passer par une phase de dépassement du regard désapprobateur de la société argentine pour laisser ce désir s'épanouir. En acceptant de regarder la vérité en face. La bête traquée par les villageois s'avère être un animal inoffensif, alors que le frère, a priori regretté, était vraisemblablement une brute. Ce n'est qu'après cette prise de conscience qu'Emilia s'autorise à vivre pleinement sa sexualité. Un film singulier, déconcertant à maints égard, d'une réalisatrice à suivre.
7/10
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le 24 nov. 2022
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