« L’on est si rempli de soi-même que tout s’y rapporte »

On ne compte plus les superlatifs qui jalonnent, deux heures durant, ce Top Gun: Maverick. « L’homme le plus rapide du monde », « l’un des meilleurs pilotes que l’armée ait jamais connus », « une espèce en voie d’extinction », « tu ne manques pas de cran, cowboy » et j’en passe… Point commun entre tous ces titres de noblesse ? ne pas caractériser le personnage mais définir l’acteur. Tom Cruise s’offre ici une cure de jouvence doublée d’une démonstration de force comme à son habitude depuis quelques années maintenant, depuis qu’il se fait producteur de ses films et choisit des réalisateurs qu’il dirige à la baguette, du surestimé Christopher McQuarrie – ici scénariste et producteur – à Joseph Kosinski.

Nul hasard si leurs mises en scène s’avèrent identiques d’une œuvre à l’autre : plans furtifs sur le buste musclé, présentation mystérieuse du personnage d’abord perçu par des angles insolites et incomplets dans l’espoir de créer un suspense sur son identité, opposition entre les plans larges sur le groupe et les plans resserrés sur le visage du héros solitaire, figure de dissident et de conservateur des valeurs de l’Amérique. À quoi s’ajoute une idéologie puritaine interdisant sexe, alcool, drogue… Nul hasard si les scenarii ressemblent, par bien des aspects, à ceux des westerns d’autrefois. Néanmoins, l’art du western consiste à célébrer la communauté en représentant des protagonistes destinés à en devenir les hérauts ; et si Maverick devient formateur militaire, il fédère moins un collectif qu’un cercle de fans qui connaissent sa légende et le vénèrent pour elle.

Les reprises incessantes des chansons du premier volet témoignent tout à la fois de l’impasse du fan service à engendrer du nouveau et du souci manifesté par le long métrage pour entretenir sa propre gloire résumée en un nom indissociable de l’acteur qui le campe : Maverick/Cruise. Cela occasionne un culte de la performance pénible à regarder en ce qu’il dévie la trajectoire « grand spectacle » assurée par les ballets aériens vers l’autosatisfaction d’une vedette qui se regarde piloter, qui se regarde gouverner après avoir jeté à la poubelle le manuel. Impressionnant lors de combats pourtant charcutés par le montage, Top Gun: Maverick échoue donc à se différencier des productions Cruise récentes. Et si l’on peut lire, çà et là, qu’il s’agit de la meilleure production Cruise de la décennie, restons prudents en préférant parler, non de la meilleure, mais de la plus lisible, de la plus accessible, de la plus sincère déclaration de narcissisme de l’acteur-cascadeur-producteur-spectateur.

Créée

le 26 mai 2022

Critique lue 3K fois

67 j'aime

5 commentaires

Critique lue 3K fois

67
5

D'autres avis sur Top Gun: Maverick

Top Gun: Maverick
Moizi
7

Quel pied !

Je n'aime pas du tout le premier Top Gun, sorte de relique kitch des années 80. Je lui préfère Jour de tonnerre, de la même équipe, qui raconte quasiment la même chose, mais qui a le bon goût...

le 30 mai 2022

123 j'aime

6

Top Gun: Maverick
B_Jérémy
9

Tom Cruise, le chevalier du ciel : « faire du neuf avec du vieux »

On est les meilleurs pilotes au monde, qui pourrait être notre instructeur ? C'est ce qui s'appelle « s'envoyer en l'air ! » Top Gun: Maverick réalisé par Joseph Kosinski est un film atypique qui...

le 31 mai 2022

81 j'aime

78

Top Gun: Maverick
Fêtons_le_cinéma
5

« L’on est si rempli de soi-même que tout s’y rapporte »

On ne compte plus les superlatifs qui jalonnent, deux heures durant, ce Top Gun: Maverick. « L’homme le plus rapide du monde », « l’un des meilleurs pilotes que l’armée ait jamais connus », « une...

le 26 mai 2022

67 j'aime

5

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14