Et ils ont une âme !
Je n'avais pas vu les précédents, mais là je dois dire que j'ai positivement adoré ce nouveau Pixar, époustouflant de créativité, bourré de trouvailles et d'humour : on s'émerveille, on rit, on...
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le 6 déc. 2011
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14
Plus de dix ans séparent Toy Story 3 de son prédécesseur, durant lesquels le film d’animation est devenu la norme du divertissement grand public, épaulé par l’essor toujours grandissant du jeu vidéo. La séquence d’ouverture, désormais traditionnelle d’immersion dans le monde ludique des jouets, en propose une illustration flamboyante : syncrétisme total des époques et des genres (western et SF, fantasy et cinématographie échevelée), elle affirme avec jubilation la toute-puissance du film d’animation avant d’imposer une rupture nouvelle via un écran de caméscope qui ancre ce jeu dans un passé désormais révolu. Carte postale nostalgique, ce court métrage prometteur s’éteint sur la prise de conscience que le temps qui passe a certes permis d’étoffer son style et son inventivité, mais qu’il a aussi fait grandir ceux à qui il s’adresse.
Dès lors, c’est la question de la retraite qui fédère le récit : poubelle ou grenier, avec la voie de traverse qui semble idéale, celle de la garderie où l’on s’adresserait pour l’éternité à des générations renouvelées d’enfants. La présentation idéale des lieux par des collègues jouets trop amicaux pour être honnête instaure une inquiétude qui ne quittera plus le film, de loin le plus sombre de la trilogie (et probablement de tout le catalogue Pixar). Enfants tortionnaires, univers carcéral, jouets brisés par les abandons dont ils ont été victimes et se vengeant sur leur prochain, l’atmosphère bascule dans un étouffant huis-clos qui reprend en l’amplifiant les tentatives un peu maladroites de Toy Story 1 sur la chambre du voisin. La force nouvelle de cette exploitation vient du fait que les jouets eux-mêmes sont responsables de leur destin et des traumas que leur condition d’esclave affectif génère. Alors que la tristesse l’emportait dans Toy Story 2, c’est une forme de colère qui s’exprime ici, et qui teinte de noir le film qui prend des allures horrifiques notamment par le personnage assez traumatisant de la poupée abimée. Le personnage de Ken a beau avoir pour fonction d’équilibrer par un humour (un brin lourd) flashy et crypto-gay, son désir de perfection participe aussi au fascisme ambiant dans lequel les jouets doués d’individualité ne peuvent s’incarner.
Si la question du temps qui passe et de l’abandon n’est pas nouvelle, la dimension qu’elle prend ici est inédite et son caractère inéluctable insuffle au film des tonalités de requiem profondément touchantes. Le récit n’en perd pas pour autant sa vigueur dans les scènes d’action et reprend ce qui a toujours fait sa force : le sens du détail. L’organisation de l’évasion exploite chaque élément spatial, joue des différents attributs de chaque jouet et fait de la garderie un camp d’emprisonnement de grande ampleur. Ruses, signaux, diversions, caméras de surveillance, retournement, toute la rhétorique des grands films d’aventure est convoquée et fonctionne à plein régime. Une fois encore, Buzz trouve un alter égo réinitialisé pour que fonctionne son personnage originel, avec l’adjonction d’une modification fantastique de comique, le transformant en matador adepte du flamenco pour des séquences savoureuses, tant dans l’animation (quelle grâce que ces pas de danse greffés sur la combinaison si virile du spationaute !) que dans leur irrésistible comique.
Le parcours final vers l’incinérateur, en plus de ses dimensions véritablement effrayantes et qui renvoient aux pages les plus sombres de l’Histoire, propose dans une animation époustouflante de confronter les personnages à l’imminence de la mort sans que l’héroïsme soit en mesure de les sauver.
Si le final instaure la possibilité d’un espoir, l’obscurité générale a sérieusement entamé le propos. La passation d’une génération à l’autre se fait par une séquence formidable de sobriété, où Andy déclare son affection enfantine à un Woody contraint à rester inerte, en tant que jouet, écho de la scène de restauration du volume 2 où brillait déjà cette magie qui fait du spectateur un complice émotif des objets inanimés.
Si Toy Story 3 est un très grand film, c’est bien parce qu’il applique ce qui sera le programme décliné par Vice-Versa : de la nécessité de la tristesse pour colorer pleinement le parcours émotionnel. Mais là où le dernier né des studios Pixar en fait une habile démonstration, Toy Story 3 relève le défi de l’incarner pleinement, ce qui, pour de l’image de synthèse et à propos de jouets, est tout de même le gage d’une réussite sans précédent.
(8.5/10)
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le 12 juil. 2015
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