Sexe, drogue, rock n'roll et boite de soupe à la tomate

Adaptation du roman du même nom publié par Irvine Welsh en 1993, Trainspotting, réalisé par Danny Boyle, nous emmène à Edimbourg pour suivre les péripéties d’un groupe de jeunes Ecossais héroïnomanes. Grand succès critique et public, ce film qui a lancé la carrière d’Ewan McGregor, est un incontournable, un chef d’œuvre qu’il était grand temps de vous faire découvrir ou redécouvrir. Prêts à plonger dans une œuvre complètement barrée ?


La drogue c’est bien ?!



« Choisir la vie, choisir un boulot, choisir une carrière, choisir une
famille, choisir une putain de télé à la con, choisir des machines à
laver, des bagnoles, des platines laser, des ouvre-boîtes
électroniques. Choisir la santé, un faible taux de cholestérol et une
bonne mutuelle. Choisir les prêts à taux fixe, choisir son petit
pavillon, choisir ses amis, choisir son survêt et le sac qui va avec,
choisir son canapé avec les deux fauteuils, le tout à crédit avec un
choix de tissus de merde. Choisir de bricoler le dimanche matin en
s'interrogeant sur le sens de la vie, choisir de s'affaler sur ce
putain de canapé et se lobotomiser aux jeux télé en se bourrant de
MacDo. Choisir de pourrir à l'hospice et de finir en se pissant dessus
dans la misère en réalisant qu'on fait honte aux enfants niqués de la
tête qu'on a pondus pour qu'ils prennent le relais. Choisir son
avenir, choisir la vie. Pourquoi je ferais une chose pareille ? J'ai
choisi de pas choisir la vie, j'ai choisi autre chose. Les raisons ? Y
a pas de raisons. On a pas besoin de raisons quand on a l'héroïne ».



Accompagné de la meilleure scène d’ouverture, c’est sur ce monologue philosophique, ce monologue contenant une part de ce que beaucoup ressentent, ce monologue véridique critiquant l’existentialisme de tout humain vivant sur cette planète, sous ce regard lucide de drogué porté par Renton, notre personnage principal, que commence notre film. Renton et ces potes, la quête de pouvoir, le matérialisme, l’argent, la réussite, ils n’en veulent pas. Eux, ils ont choisi un substitut à la vie : l’héroïne. Les films trash qui parlent de drogue, je ne suis en général pas fan. Là, avec des bijoux comme Trainspotting et Requiem for a dream, j’ai très vite changé d’opinion.


Contrairement à Requiem for a dream qui traitait du même sujet de façon sérieuse et dramatique, Trainspotting n’est pas une œuvre déprimante et la drogue, pas vraiment au centre du film puisqu’il est plutôt question d’explorer la psychologie de nos protagonistes. On est au contraire face à un film rempli d’humour, se moquant presque du mode de vie des junkies, tout en se penchant quelques fois vers le sérieux afin de nous montrer la gravité et les conséquences de la consommation d’héroïne. Trainspotting, il n’est pas moralisateur, il va dans l’autre direction, vous incitant presque à vous mettre à l’héroïne qui rend heureux. On finit à chaque piqure comme une épave mais qu’elle importance, on a prit son pied.


Danny Boyle nous livre là un vrai trip sous acide tant certaines scènes sont surréalistes. On pense à cette scène mythique où Renton, qui a une envie très pressante, entre dans les pires toilettes d’Écosse (voir du monde ?). A la fois répugnant et hilarant. L’expression « être au fond du trou » prendra tout son sens. En l’espace de 30minutes, les répliques et moments mémorables se succèdent. Trainspotting est plus qu’un film, c’est une expérience. De part sa réalisation si réaliste, on se rapproche du film immersif. Je repense encore à cette scène, toujours avec Renton, où se dernier, en pleine overdose, parait couler dans le plancher sur lequel il est tombé. Cette scène, filmée à la fois à la première et troisième personne nous permet de vivre ce que vit notre héros. Immersion totale d’où le fait que ce film apporte une grande touche de fun. Ces jeux de caméra et de profondeurs, je suis fan. Et ce n’est pas tout. Pour qu’on dise qu’un film est un chef d’œuvre, il faut que les autres éléments comme la musique, les personnages, les dialogues et l’histoire soient eux aussi réussis. Là encore, totale réussite sur tous ces points.



« On se serait injecté de la vitamine C si ça avait été illégal. »



Un classique que l’on se doit de voir au moins une fois


La bande originale tout d’abord, c’est ce qu’on retient le plus. Une bande son parfaite dynamisant encore plus l’ensemble ce qui se passe sous nos yeux. D’Iggy Pop et son Lust For Life en passant par New Order et son Temptation, ou bien encore Born Slippy d’Underworld, Danny Boyle a du gout, nous transporte. Pas étonnant que ce film est marqué la génération des années 90. Trainspotting, apporte avec sa musique de la diversité. Nous voguons entre bon vieux rock et techno made in nineties. Musiques de jeunes en pleine rébellion contre une société en crise, on ne pouvait pas trouver mieux. De la bonne bo sans temps mort, à l’image de cet intense et puissant long métrage.


Du coté des personnages, Boyle frappe aussi fort que sa réalisation et sa bande son. Nous suivons la vie d’une bande de potes qui n’ont pas de repères, qui n’ont aucun avenir et qui se sont réfugiés dans la drogue. Renton, notre narrateur et personnage principal, il a choisit de s’en sortir et ce, malgré le fait qu’il ne veut pas rentrer dans la vie active d’un homme lambda. Arrêter la drogue, ça ne se fait pas en un jour, la sensation de manque se fait très vite ressentir et c’est encore plus difficile quand vos amis n’ont pas envie de décrocher. Renton a beau avoir prit une sage décision, ça ne va pas l’empêcher d’accumuler les ennuis à cause de ces potes, à cause de son addiction qui reste encore dans son corps et son esprit, et aussi le fait que la drogue était pour lui l’alternative à l’ennui. Sur ce sujet, tout est abordé : l’ennui, le manque, la délinquance pour parvenir à se fournir, le fait de replonger alors qu’on avait décidé d’arrêter, … .


Dans les dialogues et les répliques, on a de vraies perles. Danny Boyle arrive avec justesse à retranscrire l’ambiance décalée, glauque, tragi-comique et réaliste. On est en plein dans du film 100% British avec ces références au foot, aux Beatles, sa bouffe, sa culture, ses bars.


Une première partie qui s’intéresse à présenter nos personnages au caractère différent, jongler entre chacun, et surtout, décrire les effets de la drogue sous toutes ces formes. Des scènes de trips, de délires, de bad trips voir carrément de descente en enfer avec quelques touches de tragédies qui en refroidiront plus d’un. D’où le fait que la drogue c’est mal m’voyez ! La deuxième partie de notre film sera un peu plus classique, plus soft, un poil moins délirante mais non moins intéressante.



« Mais c'est quand la douleur disparaît que commence le vrai combat.
Dépression, ennui, on est au fond du trou, tellement qu'on a envie de
se tuer ».



Au final, Trainspotting mérite son statut de classique. La bande son, les dialogues, les scènes délirantes, le jeu des acteurs incroyable, personnages attachants et charismatiques (mention à McGregor et Carlyle), à la fois réaliste/choquant/planant/dégoutant/tordant, une mise en scène de génie, une photographie et des plans grandioses (certains me rappellent les œuvres de Wes Anderson), rythmé et coloré, une voix off percutante, un bijou d’inventivité, une pure leçon de cinéma mais aussi de divertissement. Un indispensable pour tout cinéphile qui se respecte.

Jay77
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le 1 mars 2017

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Jay77

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