Bien que sa promotion n’ait pas été imposante, on peut dire que Trancendance faisait partie de ces blockbusters que l’on attendait un temps soit peu. Et pour cause, il suffisait de se pencher sur le casting qui regroupe tout de même une belle brochette d’acteurs hollywoodiens de renommée (dont Johnny Depp et Morgan Freeman). Et de voir qu’il s’agit d’une production de Christopher Nolan, l’homme derrière Inception, dont ce film se rapproche énormément (selon la bande-annonce et le type de scénario). Mais cette fois-ci, c’est son chef opérateur Wally Pfister qui se charge de la réalisation. Le bonhomme a-t-il appris auprès du maître Nolan, actuellement en pleine préparation du très attendu Interstellar (prévu pour novembre) ?
Dans un futur proche, le Dr. Will Caster (Johnny Depp) et son équipe tentent de concevoir le premier ordinateur au monde capable de réfléchir de manière autonome et ayant une conscience propre. Un projet qui secoue des terroristes anti-technologies, qui organisent une vague d’attentats pour y mettre fin, dont l’assassinat de Will. Mais pour sauver son mari d’une mort imminente, Evelyn (Rebecca Hall) décide de « transcender » l’esprit de Will dans ce super ordinateur. Avec lequel il pourra donner l’illusion d’être encore en vie et de contrôler tous les réseaux liés à Internet. Mais s’agit-il vraiment de Will ? A-t-il gardé toute son humanité ? Et si tel n’était pas le cas, pouvons-nous lui faire confiance ?
Même si le scénario n’est pas de lui (ici, il est signé Jack Palgen), la patte de Christopher Nolan se fait bien ressentir dans Transcendance. À savoir un concept original visant à livrer un blockbuster d’envergure et divertissant dans le seul but de mettre en avant un personnage (ou plusieurs) torturé(s). Et avec ce film, Pfister tenait-là l’occasion de nous refaire Inception ! D’autant plus que Transcendance semblait marcher sur les mêmes pas (futur proche pour justifier l’intervention d’une technologie aujourd’hui inexistante, une histoire d’amour qui n’est pas rose, Cillian Murphy au casting…) tout en délivrant un message d’humanité. Hélas, n’est pas Nolan qui veut !
Car le gros, gros problème de Transcendance provient avant tout de son scénario. Un comble quand on en attendait de ce film à ce niveau ! Le long-métrage de Pfister se présente de la manière suivante : le scénariste et ceux ayant participé à la réécriture ont eu des idées et des séquences en tête, les ont écrites sur des morceaux de papier, les ont déposés dans un shaker, ont mélangé le tout, pris les idées/scènes une par une, puis ont cherché à les relier. Voilà ce qu’est Transcendance ! Un amas d’excellentes idées (messages écologiques, nouvelle version de l’homme contre la machine, reprise des thèmes de RoboCop sur la perte d’humanité, l’omniprésence de la technologie dans notre société…) mais agencées n’importe comment. Du coup, nous nous retrouvons avec des situations qui nous sont balancées à la figure sans que cela ait le moindre sens (« Il est en train mourir » « Transcendons son esprit pour le sauver» « Ok »… QUOI ?!?!). Un script qui part dans tous les sens sans que l’on sache où le film veut nous mener (après la « résurrection » de Will, sa femme fuit dans un bled paumé et commence à rénover ce dernier tout en construisant son propre laboratoire… QUOI ?!?!). S’autorisant quelques détails pour justifier le côté divertissement (des nanorobots permettant la guérison des personnes mais qui connectent également ces dernières à Will, qui peut du coup les contrôler et en faire une armée… QUOI ?!?!). En bref, Transcendance a des idées en rafales, voire trop, au point de ne pouvoir les développer convenablement, tout comme les personnages (beaucoup étant présents dans l’histoire sans raison, comme l’agent du FBI, qui n’apporte rien à celle-ci). Au final, nous nous retrouvons face à un foutoir monstre, sans queue ni tête et vide de sens (alors qu’il y avait moyen d’en tirer quelque chose). Prouvant que Wally Pfister n’est pas un conteur d’histoire (ni son scénariste). Ne reste que la romance du film, racontée bizarrement (comme le reste) mais qui conserve un léger intérêt à l’ensemble et à quelques scènes plutôt jolies (j’en parlerai plus tard).
Pfister n’est pas non plus un dirigeant d’acteurs, ces derniers étant véritablement en roue libre. Ce qui veut dire que chacun joue comme et comment bon lui semble. Pour certains, ils sont naturels d’emblée et cela donne de très bonne composition (Paul Bettany, Morgan Freeman et Cillian Murphy), même si leur statut de comédiens (vraiment) secondaires fait tâche à ce constat. Pour d’autres, cela en est presque lamentable. Notamment ce pauvre Johnny Depp, blasé d’être là (que son personnage le soit n’est pas une raison valable) et de ne pas apparaître pleinement à l’écran (sa participation physique se remarquant au début et à la fin du film, le reste ne mettant en valeur que sa voix et son visage sur un écran). Mais surtout Rebecca Hall, une des nouvelles coqueluches hollywoodiennes (et je me demande bien pourquoi) qui n’arrive même pas à jouer la tristesse. Son mari meurt, les yeux qui brillent, mais c’est tout ! Même pas un véritable pleure ou autre chose dans ce genre. Lors des moments tristes, l’actrice est vraiment trop sobre, tout en retenue alors que l’on attend l’inverse. Et pour ceux qui restent, ils passent inaperçus, tout simplement, comme Kate Mara (pourtant géniale dans House of Cards).
Néanmoins, Transcendance montre que Pfister sait y faire avec une caméra. Le bonhomme arrivant à nous livrer une mise en scène certes classique mais qui arrive à titiller un soupçon d’émotion, alors que le scénario et ses personnages n’y parviennent aucunement. Grâce à quelques effets (tels des ralentis) qui offre à l’ensemble une once de poésie (notamment en ce qui concerne les gouttes d’eau et les tournesols – vous comprendrez en voyant le film) et la musique de Mychael Danna (La Faille, (500) jours ensemble, L’Odyssée de Pi) qui, même s’il n’arrive pas à la cheville de Hans Zimmer, parvient à livrer de jolies partitions. Dommage cependant que le montage insiste sur le fait que les transitions et ellipses scénaristiques soient catastrophiques, donnant l’impression que 40 minutes de film ont été supprimées à la version finale.
Dire que Wally Pfister n’est pas un réalisateur serait assez sévère. Même s’il ne sait pas raconter une histoire ni diriger une ribambelle d’acteurs, il sait néanmoins livrer de belles images. Alors, pour son prochain essai, espérons qu’il ne tente pas à nouveau d’égaler le maître et qu’il fera quelque chose qui lui soit propre, avec un scénario ayant été écrit entre de bonnes mains. Car là, je ne voudrais pas (encore) idolâtrer Christopher Nolan, mais comme pour Man of Steel, je pense que Transcendance aurait eu une tout autre allure s’il en était le réalisateur. Malheureusement, ce n’est pas le cas, et le film ne restera pas dans les mémoires.