Raté au-delà de toute rédemption.

Par Raphaël Nieuwjaer

Ceci est un message d'alerte. Je répète. Ceci est un message d'alerte. La technologie des internets est sur le point de s'emparer de votre corps et de votre esprit. Eteignez tous vos appareils électroniques, construisez-vous une cage de Faraday et n'en sort... Trop tard. Vous êtes désormais un hybride, condamné à parler avec la voix de Johnny Depp et à porter dans le désert des pièces métalliques d'une demi-tonne.

Transcendance, à n'en pas douter, marque une date dans l'histoire du cinéma. Pour la première fois, une citation d'Albert Einstein traduite par Bing ("I fear the day that technology will surpass our human interaction" devient "Je crains le jour où la technologie dépassera l'homme") a été utilisée sur une affiche comme outil promotionnel. Caution inattaquable, garantie 100 % humaniste. Et pourtant, malgré tout le respect que ne peut manquer d'inspirer le génie ébouriffé, on constate qu'il est passé à côté de la vraie menace. « Je crains le jour où Wally Pfister réalisera son premier film » aurait été un avertissement plus urgent. Ce jour est désormais arrivé. Nous vivons dans le monde d'après.

Alors, qu'est-ce que Transcendance ? A peu près rien de ce que peut suggérer sa bande-annonce, qui laissait entrevoir un film catastrophe et une orgie numérique, éventuellement une réflexion sur les relations humaines à l'heure des (plus ou moins) nouvelles technologies et un travail plastique sur la figure humaine. Or, après une heure d'une poussive opposition entre un groupe d'activistes anti-wifi et le couple de scientifiques prométhéens vaguement interprété par Johnny Depp et Rebecca Hall, il faut bien se rendre à l'évidence que le film en restera au niveau de la série Z à très gros budget. Depp, uploadé pour maintenir sa conscience en vie après qu'il a été victime d'un attentat, est devenu un Dieu-point-zéro (compatible Mac et PC). Il rend la vue aux aveugles, fait marcher les infirmes, purifie l'eau et traite les gaz à effet de serre. Quand on l'attaque au bazooka, il répare les panneaux solaires qui l'alimentent en faisant pousser des sortes de racines régénératrices. Difficile au fond de savoir quel genre de menace il fait exactement peser.

Ce qui aurait pu être émouvant (une relation soudain désincarnée, puis incarnée à travers un intermédiaire) n'est qu'effleuré. Ce qui aurait pu être spectaculaire est évacué au profit de plans en hélico sur des jeep traversant le désert à toute allure. Ce qui aurait pu être raté l'est par contre au-delà de toute rédemption. Quand on voit couler au ralenti deux gouttes d'eau symbolisant l'amour éternel du couple de scientifiques, on jurerait que ce sont nos propres larmes – soulagement et joie mêlés d'en finir enfin.
Chro
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le 26 juin 2014

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