Il est courant dans le cinéma américain de sauter sur l’occasion qui permettra de réveiller en chacun de ses concitoyens la fibre patriotique. Quand ce n’est pas le plan du drapeau au ralenti sous fond de musique héroïque (n’est-ce pas, Michael Bay ?), c’est souvent le sujet du film qui mène la danse. Et en ce moment, c’est la lutte contre le terrorisme qui prime le plus. En effet, il suffit d’un terrible événement afin d’attiser l’intérêt de certains vautours (non, je n’ai pas dit « producteurs »), et ce pour aboutir au même schéma scénaristique : attachement mielleux aux personnages, élément perturbateur, combat des survivants pour finir sur la note : "nous vaincrons car nous sommes Américains, nous sommes les plus forts » (l’exemple le plus flagrant étant World Trade Center d’Oliver Stone). Sur le papier, Traque à Boston faisait partie de ces projets. Reprenant en un rien de temps (3 ans après les attentats du marathon de Boston) les faits et usant d’un titre un peu trop évocateur (Patriots Day en VO). Pourtant, le long-métrage, bien qu’imparfait, n’est pas de cette trempe et se révèle être bien plus mémorable que ses semblables en la matière.


En partie grâce au choix du réalisateur Peter Berg, qui a fait le plus simple qui soit pour ce genre de projet : la reconstitution. Hormis quelques passages fictifs histoire de romancer et de combler les trous des faits réels (du moins, ce que l’on pense), Traque à Boston ne fait que suivre les terribles événements des attentats du 15 avril 2013 et surtout la longue chasse à l’homme qui s’ensuivit. Allant directement à l’essentiel, ne passant jamais ou que trop rarement par du niaiseux hautement inutile. Et témoignant pour le coup d’un excellent travail de documentation de la part de Peter Berg et de son équipe de scénaristes, qui ont enquêté comme il le fallait au point de sortir des images d’archives à incorporer au montage final. Et avec une énergie et un savoir-faire indiscutables qu’il témoigne de film en film (de Le Royaume à Deepwater, en passant par Hancock et Du sang et des larmes), le cinéaste nous gratifie de deux séquences tendues au possible : la fameuse scène des attentats, violente et prenant au trippes au risque de vous faire verser quelques larmes, et une fusillade en pleine banlieue américaine, en mode guérilla intense. Tout ce qu’il faut de simplicité et d’efficacité pour nous laisser emporter par les faits et d’oublier les quelques relents de patriotisme tout de même présents, comme un happy end qui permet au long-métrage de « s’auto-applaudir ».


Mais même là, Traque à Boston ne s’y vautre jamais allégrement. Car plutôt que de renforcer l’américanisme de son sujet, Peter Berg, en plus de ne s’en tenir qu’aux faits, a également voulu mettre à la lumière certaines dérives de la lutte contre le terrorisme. Comme des personnages pourtant préparés mais dépassés par les événements. Des rappels sur les défaillances du système (l’un des criminels était surveillé mais personne n’a su anticiper comme il fallait), sur l’importance de ne pas réitérer les erreurs passés plutôt que d’attraper les responsables. Surtout le fait de dépasser toute légalité afin d’avoir des réponses pour le coup anecdotiques aux vues de la chasse à l’homme (la séquence d’interrogatoire en faisant fi des droits de l’accusé). Sans oublier qu’hormis quelques évocations basées sur les faits réels, le scénario ne perd pas de temps à insister sur le côté islamiste des terroristes, pour éviter tout amalgame si présent chez l’oncle Sam. Et en faisant tout cela, Peter Berg livre ainsi un long-métrage faisant l’éloge des habitants d’une ville (et non des fédéraux et autres combattants hauts gradés) qui se sont unis en termes de communication et de solidarité pour mettre fin à ce cauchemar.


Il est tout de même dommage que le casting vienne gâcher un chouïa la crédibilité du film. Et pour cause, au lieu de prendre des comédiens lambda, qui auraient justement renforcé cette idée de « Monsieur Tout-le-monde », Traque à Boston propose tout un panel de célébrités du cinéma américain, et ce de manière pour le moins inégale. Mettant en avant des amis du réalisateur (Mark Wahlberg, déjà présent dans Du sang et des larmes et Deepwater, et producteur du film, saute sur l’occasion d’apparaître à chaque plan) qui ne sont pas forcément au top niveau de leur interprétation (l’acteur manquant de jeu, comme à son habitude). Ou bien des acteurs au cachet certain (John Goodman, J.K. Simmons, Michelle Monaghan…) mais sous-exploités comme ce n’est pas permis. Ne reste plus que Kevin Bacon et des seconds rôles convaincants pour rattraper le tir.


Reconnu comme un cinéaste faiseur de blockbusters de secondes zones, Peter Berg a déjà su montrer son intérêt pour un cinéma plus poussé malgré ses airs de divertissement musclé (Le Royaume et Du sang et des larmes entre autres). Traque à Boston peut s’ajouter sans mal à ces derniers, le long-métrage étant tout simplement l’un des meilleurs de la filmographie de son géniteur. Car ne tombant jamais ou que trop rarement dans la surdose patriotique, préférant se concentrer sur son histoire, sur les faits. Et le faisant avec tellement de simplicité, d’efficacité, que l’ensemble livre au public suffisamment de tension et d’humanité pour éveiller son intérêt.

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